• Femmes-hommes : l’égalité réelle, c’est pas gagné !Adoptée le 23 juillet, la loi « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » aborde de nombreux sujets mais les moyens pour sa mise en œuvre restent flous, voire absents.

    Congé parental : l’égalité sert de prétexte à des économies

    Pour favoriser l’implication des pères, le congé parental est réduit de 6 mois, les 6 mois complémentaires pouvant être pris à condition que ce soit par le 2e parent. Or seulement 2 % des pères prennent des congés parentaux, et il est peu probable que cela change puisqu’en terme d’égalité des salaires et carrières, les choses n’avancent que très lentement. Dans les faits, la mesure revient donc à diminuer de 6 mois le droit au congé parental... et les allocations qui vont avec.

    IVG : au-delà du symbole, pas plus de moyens

    La suppression de la notion de situation de détresse est un pas en avant ; l’avortement est ainsi un droit qui ne nécessite pas de justification. L’UMP s’est d’ailleurs abstenue sur le texte à cause de cela et a saisi le Conseil constitutionnel. Mais pour que l’avortement soit réellement un droit pour toutes, il faut des moyens pour rouvrir les 130 centres IVG qui ont fermé en 10 ans et pour assurer réellement la gratuité de l’IVG.

    Pensions alimentaires : un dispositif expérimental et limité

    40 % des mères ne touchent pas la pension alimentaire due par le père ou de façon irrégulière. La loi prévoit que la pension soit prise en charge par la CAF mais de façon expérimentale pour 18 mois. De plus, d’après les dires de Najat Vallaud-Belkacem lors des débats à l’assemblée, cette pension sera équivalente à l’allocation de soutien familial, c’est-à-dire 90 euros, revalorisée à 120 euros en 2017.

    Violences faites aux femmes : des mesures sans moyens

    La loi prévoit l’obligation pour le conjoint violent de résider hors du domicile du couple mais seulement lorsque la condamnation est devenue définitive. Or c’est bien avant que les femmes ont besoin de moyens, notamment d’accéder à des hébergements d’urgence. Mais là non plus, pas de moyens spécifiques en ces temps d’austérité. Dans les faits les femmes victimes de violences seront donc toujours matériellement à la merci de leur (ex-)conjoint.

    Pour ce qui est du harcèlement, cette notion fait son entrée dans le code de la défense qui régit l’armée. Mais pour le reste, en particulier au travail, on ne peut pas dire qu’il y ait d’avancée réelle.

    Femmes étrangères : plus qu’insuffisant
    Le refus de délivrer le titre de séjour ne pourra plus être motivé par la rupture de la vie commune et les demandeuses seront exonérées de certaines taxes dues pour le renouvellement de leur titre. C’est plus qu’insuffisant : les femmes étrangères victimes de violences doivent bénéficier d’un titre de séjour automatique et d’aides leur permettant de vivre indépendamment de leur ex-conjoint. Mais cela demande encore des moyens, que le gouvernement n’est pas prêt à mettre.

    À tout cela, s’ajoutent quelques mesures sur la parité en politique, dans les entreprises, les clubs sportifs ou les établissements publics ainsi qu’une veille du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour « une juste représentation des femmes et des hommes » et la lutte contre les stéréotypes et les préjugés sexistes.

    Au final, de nombreuses mesures symboliques mais sans moyens ni financiers ni coercitifs et qui n’auront donc probablement que peu d’impact. On est bien loin du compte pour une vraie politique en faveur de l’égalité femmes-hommes.

    Elsa Collonges


    votre commentaire
  • Comment changer le monde si nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes ? Les défis de la gauche anticapitaliste européenneComment expliquer la faiblesse des gauches anticapitalistes ces cinq dernières années ? Alors que la situation objective est propice à un embrasement politique, qu'un espace s'est ouvert pour un réformisme radical et que des insurrections ont éclaté à travers le monde, l'échec relatif du NPA en France, d'Antarsya en Grèce et du SWP en Grande-Bretagne apparait comme un paradoxe.

    Dans cet article, Panagiotis Sotiris, lui-même membre dirigeant d'Antarsya, propose une analyse des causes profondes de cette incapacité et en appelle à un renouvellement théorique, stratégique et politique. L'anticapitalisme ne peut s'en tenir à dénoncer les trahisons des directions confédérales et à surenchérir sur les revendications syndicales (concernant les salaires, les licenciements, etc.). Il faut produire des programmes transitoires, poser la question du pouvoir et de l'hégémonie, transformer le parti en laboratoire à même de faire naître des “nouvelles formes d’intellectualité de masse, à la fois critiques et investies dans la lutte politique”. 

    La gauche anticapitaliste européenne est en crise. De la crise du SWP en Grande-Bretagne à l’implosion du NPA, jusqu’à la fragmentation de l’aile gauche de Rifondazione Comunista en Italie en passant par l’incapacité d’Antarsya (Grèce) à élargir son audience malgré les récents bouleversements qui marquent aujourd’hui la société grecque, la plupart des tendances qui se réclament d’une critique révolutionnaire du réformisme socialiste et communiste et qui s’inscrivent  dans la filiation de Mai 1968, sont aujourd’hui en crise politique profonde.

    Cela se produit en net contraste avec une période précédente,  débutant dès la seconde moitié des années 1990,  durant laquelle la gauche anticapitaliste joua un rôle plus qu’utile dans l’altermondialisme grandissant, constitua une avant-garde dans diverses luttes de premier plan au niveau national, servit de catalyseur dans la formation d’initiatives plus larges et, dans certains cas, fut le  cadre de poussées électorales marquantes.

    Ce qui reste le plus impressionnant, c’est que cette crise de la gauche anticapitaliste coïncide avec une période qui est, à la fois, le théâtre d’une crise systémique du capitalisme et d’un impressionnant retour des mouvements de masse.

    En ce sens, le schéma récemment proposé par Alex Callinicos qui consiste à dire que les belles heures de la gauche anticapitaliste se sont déroulées entre 1998 et 2005 – de la poussée électorale de la gauche anticapitaliste française (et du mouvement altermondialiste) jusqu’au rejet du traité européen –, aussi juste soit cette proposition de  schéma en termes de chronologie d’une certaine forme de politique anticapitaliste des années 2000, elle ne manque pas non plus de passer à côté de la présente conjoncture et de sa dynamique.

    Quelles meilleures conditions pourrions-nous espérer que celles que nous rencontrons aujourd’hui, au-delà de nos problèmes, de nos crises et de nos limites ?

    De réels craquements dans l’hégémonie libérale, une crise ouverte de l'intégration européenne, c'est-à-dire de la principale stratégie menée par les capitalistes européens dans les cinquante dernières années, des sociétés entières bousculant leurs certitudes, un retour des manifestations de masse et des mobilisations qui, dans certains cas, prennent des accents insurrectionnels, la volonté de démocratie, de souveraineté populaire et de réappropriation de l’espace public, une  méfiance grandissante à l’égard des politiciens et un rapport de forces à l’échelle internationale qui vient non seulement contredire l’omnipotence américaine mais qui offre également des points de repère pour résister de Gaza à Kobané.

    Évidemment, il ne s’agit pas de sous-estimer d’autres éléments de la conjoncture tels que la face hideuse du fascisme et la montée de l’extrême droite. Cependant, cela s’avère aussi être l’expression d’une crise politique plus profonde encore, et de l’incapacité de la gauche radicale et anticapitaliste à servir de débouché, progressiste et émancipateur, au rejet populaire des partis parlementaires et de la politique institutionnelle.

    Le principal défi réside donc ici : pourquoi sommes-nous en position de crise ? Pourquoi, par exemple, c’est bien Syriza – et l’impressionnant  tournant droitier de sa direction – qui constitue aujourd’hui le meilleur exemple d’une politique de gauche en Europe ?

    Je crois que la raison principale de nos problèmes a quelque chose à voir avec les limites de la gauche anticapitaliste depuis les années 1990. La gauche anticapitaliste consistait essentiellement en une force de résistance,  de soutien aux mouvements et de défense idéologique du socialisme et de la révolution. Elle pouvait s’avérer utile dans l’organisation des mouvements antilibéraux et était à même de recruter de nouveaux membres notamment parmi les franges radicales des  mouvements. Cependant, elle n’avait pas de réelle stratégie.

    Les questions du pouvoir, de l’hégémonie et de la stratégie révolutionnaire ont été laissées sans réponse, malgré l’invitation de Daniel Bensaïd à rouvrir le débat sur la question stratégique.

    La distance entre la tactique au jour le jour, autant dans les mouvements que dans les coalitions électorales qui se pensaient essentiellement sur la base d’un agenda contre le néolibéralisme – ce qui constituait principalement l’ « anticapitalisme » des années 2000 – et une défense abstraite d’une orientation « révolutionnaire », plus en termes identitaires qu’en termes pratiques, explique ce vide stratégique.

    La gauche anticapitaliste n'offrait dès lors aucune alternative viable à la « tentation » du « tout sauf » des coalitions, incarnées par la participation désastreuse de Rifondazione Comunista au second gouvernement Prodi (un gouvernement du type « tout sauf Berlusconi ») et les limites des « Fronts uniques d'un genre particulier ».

    De plus, elle n'a pas été à même de réfléchir en termes de potentiel bloc historique, ni de s'interroger sur la façon dont nous pouvons articuler une alliance large des classes subalternes à un récit alternatif à l'adresse de la société. Mais comment pourrions-nous offrir un récit alternatif quand la principale revendication programmatique a consisté en « la redistribution des richesses + la défense des services publics » ? Je ne sous-estime pas ces objectifs, mais ils ne constituent pas un récit alternatif. Ils ne présentent pas un paradigme social et politique antagonique au néolibéralisme.

    Par ailleurs, en particulier en Europe, et malgré le fait que le moment fort de la mobilisation de la gauche radicale en Europe de l'Ouest fut le rejet de la constitution européenne, la gauche anticapitaliste a sous-estimé la critique de l'intégration européenne. L'abandon de toute critique de la monnaie unique et les accusations portées contre ceux qui s'essayaient à pareille critique sous prétexte que cela faisaient d'eux des « nationalistes » ou des « sociaux-chauvins »  eurent pour implication que, dans une période de désenchantement grandissant et de crise du projet européen, ce fut l'extrême droite seule avec son « Euroscepticisme » pour ersatz (ersatz à cause de ses positions favorables à l'ordre établi et aux patrons) qui a connu une dynamique politique, comme le montrent les dernières élections européennes.

    L'espace politique n'est resté ouvert qu'à des positions du type de celles proposées par Syriza, qui donnent l'impression qu'elles se confrontent à la question stratégique même si elles ne vont pas plus loin que la simple variation sur le même thème des positions de « gouvernement progressiste » antilibéral issues des années 1990. Dans une période où dans les maillons faibles de la chaîne la possibilité de combiner un gouvernement de gauche radicale avec des formes de pouvoir populaire par en bas pourrait réellement initier une séquence révolutionnaire tout à fait originale, la position de larges franges de la gauche anticapitaliste en Europe était, dans la pratique, que rien ne pouvait être fait et qu'on assisterait à une répétition des années 1970.

    D'autre part, bien que l'on ait connu d'importants mouvements de masse dans les années passées – en termes d'ampleur et de durée mais aussi en termes d'expérimentation politique, avec de nouvelles formes de démocratie, l'expression à voix égale, la coordination horizontale, l'émergence de nouveaux et nouvelles dirigeant•e•s – la plupart des tendances de la gauche, à l'exception de la gauche anticapitaliste espagnole, n'ont en réalité rien appris de ces mouvements auxquels ils ont néanmoins apporté leur contribution non négligeable. Elles n'ont rien appris des nouvelles formes de démocratie, elles n'ont pas intégré les nouveaux et nouvelles dirigeant•e•s qui ont émergé de ces mouvements, elles n'ont pas essayé de répondre aux défis stratégiques que cela posait. Elles les ont simplement envisagés comme des mouvements, et non pas comme des processus expérimentaux. Cela présente un contraste saisissant avec les traditions marxiste et léniniste qui consistent à voir la participation aux mouvements comme une expérience permettant d'apprendre et de se transformer.

    Par conséquent, les appels actuels au rétablissement du processus de « construction de l'organisation » sont inappropriés. Ce n'est pas que nous n'avons pas besoin d'organisations révolutionnaires, mais ce n'est qu'un aspect, et sans doute pas le plus important, de la nécessaire recomposition de la gauche anticapitaliste aujourd’hui. De plus, la mentalité qui conduit chaque groupe à penser qu'il est le détenteur de la vérité révolutionnaire et qu'il doit se renforcer dans des fronts larges, tandis que les autres tendances de ces fronts seraient « réformistes » ou « quasi-réformistes », n'aide pas beaucoup à initier des processus larges de recomposition. Il en va de même avec la mentalité qui veut que ce qui est en jeu soit la légitimation historique d'un courant historique particulier. Nous devons penser en termes de nouveauté radicale.

    Quel est le résultat de ces manquements ? Le résultat c'est qu'aujourd'hui la plupart des gens dans la gauche anticapitaliste européenne se tournent vers Syriza comme exemple d'espoir, malgré le fait que la direction de Syriza ait abandonné la plupart de ses positions radicales, qu'elle ait pleinement accepté le cadre institutionnel de l'Eurozone et de la dette, et qu'elle ait refusé d'intégrer la nationalisation des banques et des entreprises stratégiques dans la liste de ses revendications immédiates. Ou, pour donner un autre exemple, tout le monde s'entend pour voir un certain espoir dans le projet Podemos même si sa ligne politique a perdu une partie de sa radicalité et que les questions ouvertes à propos du modèle de direction adopté sont nombreuses. Dans l'audience que rencontrent Syriza et Podemos auprès des militant•e•s, l'essentiel ne tient pas à leur politique et à leur stratégie véritables, mais à deux éléments cruciaux : la mise en place d'un processus politique à une échelle large, qui inclut des fractions importantes des mouvements, et bien sûr la confrontation avec la question du pouvoir politique et de la potentielle hégémonie

    Cependant, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui la règle d'or soit l'entrée ou l'incorporation de la gauche anticapitaliste dans de  larges fronts de ce type. La raison est que la nécessaire autonomie d'une stratégie potentiellement révolutionnaire reste nécessaire. Voilà un des aspects de la démarche qui veut « ressusciter Lénine » aujourd'hui qui me paraît  toujours pertinent.

    Cela correspond-il à du sectarisme ? La réponse à cette question est un non définitif. Le défi pour la gauche révolutionnaire ou anticapitaliste ne réside pas dans le fait de choisir entre de larges fronts électoraux et  des sectes traditionnelles. Le défi consiste à développer un projet alternatif pour la gauche qui, d'une manière ou d'une autre, se concentre sur ce qui peut définir dans la période une potentielle stratégie révolutionnaire.

    En premier lieu, nous avons besoin de réfléchir dans les termes d'un nouveau bloc historique. À partir de la lecture que j'en fais, ce concept gramscien n'est ni analytique ni descriptif par nature. Il ne fait pas seulement référence à l'idée d'alliance de classes. Il s'agit d'un concept stratégique qui traite de la manière dont nous pouvons préparer la rencontre entre une alliance large au sein des classes subalternes, un récit alternatif pour la société dans son ensemble et de nouvelles formes politiques de masse.

    En ce sens, il serait malvenu de sous-estimer l'importance de cette lancinante demande de souveraineté populaire à laquelle on a assisté au cours des récents mouvements – qui ont pris par exemple la forme d'une réappropriation de l'espace public –, au nom d'une vision archétypique du « mouvement ouvrier » ou de la « grève générale ». Au contraire, il serait plus fécond d'envisager ces formes de luttes en commun, de solidarité et leur élan démocratique comme un embryon des blocs historiques subalternes.

    Une telle conception implique d'accorder une large importance à la question du programme politique. Cela n'a rien à voir avec la théologie du programme ou avec une sorte de fantasme politique révolutionnaire. Le programme de transition constitue l'articulation des expériences, des revendications, des expérimentations et des formes d'ingéniosité collective qui ont émergé du mouvement, en lien avec la recherche collective des différentes voies que nos sociétés peuvent emprunter. C'est l'articulation entre les « traces de communisme » dans les luttes contemporaines et les pratiques collectives séparées du règne de la marchandise, et la conquête du pouvoir par le mouvement ouvrier pour donner à nos sociétés d'autres trajectoires historiques, à la fois en termes d'organisation sociale et de positionnement international.

    En cela, une version contemporaine du programme de transition ne peut pas être réduite à de simples appels pour la redistribution et la défense des services publics. Elle doit consister en une bien plus profonde exploration des diverses voies que peuvent emprunter nos sociétés, en considérant un paradigme social et économique différent,  fondé sur de nouvelles formes de contrôle démocratique, d'autogestion, de nouveaux réseaux de distribution et des  priorités sociales différentes. Cela ne sera pas la voie de la facilité. Cela nécessitera une société en lutte changeant – de fait – de valeurs, de priorités et de récits. Cela demandera une nouvelle éthique de la participation collective et des  responsabilités, une nouvelle éthique de la lutte et de l'engagement, un « sens commun » suffisamment formé et transformé pour constituer dès lors le « bon sens ».

    En Europe, cela implique nécessairement une rupture avec le néolibéralisme féroce  fermement ancré dans l'Eurozone et, en général, avec la « souveraineté limitée » imposée par les divers traités qui définissent la version contemporaine de la gouvernance européenne. Nous avons là l'opportunité de combiner une revendication de justice sociale avec une revendication de souveraineté populaire.

    Cependant, une telle conception implique également de prendre en charge la question de la stratégie révolutionnaire aujourd'hui. Dans la conjoncture actuelle, avec la crise de l'hégémonie néolibérale et le retour des mobilisations de masse, une conception plus stratégique s'avère être un élément vital.

    Que signifie, en fait, l'idée que nous traversons aujourd'hui une séquence révolutionnaire ? La plupart du temps, cette question est refoulée. D'une part, nous avons la dynamique du mouvement et, d'autre part, à un moment indéfini mais éloigné dans le temps, nous aurons le contrôle ouvrier et la révolution. Des questions aussi stratégiques que l'éventualité d'un gouvernement de gauche radicale, et la possibilité qu'une telle avancée fasse partie d'une séquence révolutionnaire, sont abandonnées aux réformistes tandis que la gauche révolutionnaire ou anticapitaliste attend l'avènement de leur échec prétendument inévitable.

    J'aimerais avancer l'idée que dans les sociétés européennes contemporaines, nous devons envisager la question du pouvoir gouvernemental non pas dans les termes d'une gestion progressiste du capitalisme mais comme un aspect d'un possible processus de transformation. Une telle perspective peut inclure l'articulation d'un gouvernement de gauche radicale,  fondé sur un nécessaire programme de transition, avec des mouvements forts par en bas, des mouvements de pouvoir populaire, le contrôle ouvrier, l'autogestion, la solidarité, des changements institutionnels profonds et de nouvelles formes de participation démocratique, un processus constituant. C'est là une voie qui sera nécessairement accidentée, contradictoire et expérimentale par nature. C'est là aussi un processus qui devra faire face à la farouche opposition des forces du capitalisme et de l'impérialisme.

    Bien sûr, cela implique aussi qu'il faut véritablement ouvrir le débat sur ce que veut dire « détruire l'État » ou faire « dépérir l'État », et sur comment mettre en place de nouvelles formes de planification démocratique et d'autogestion en opposition avec  la pression du marché, sur comment incorporer les expériences issues des mobilisations.

    On pourrait rétorquer : « Pourquoi s'embêter avec  l'élaboration complète d'une stratégie révolutionnaire au lieu de simplement articuler notre critique du réformisme ? » Je pense que si on laisse le débat sur la gouvernance de gauche aux tendances réformistes, il est évident qu'elles verront les choses avec leurs propres lunettes, les lunettes des débats de triste mémoire sur la gouvernance progressiste qui ont plutôt mal tourné dans les années 1990 et au début des années 2000 et qui ont conduit aux effets désastreux de la participation aux gouvernements Jospin et Prodi. L'échec serait alors une « prophétie auto-réalisatrice ». Et il n'est pas certain que cela serait suivi de l'émergence nouvelle de forces révolutionnaires en première ligne. Un tel échec peut aussi conduire tout simplement  à des réalignements encore plus réactionnaires  sur la scène politique.

    Ce qui implique qu'il est indispensable que la gauche anticapitaliste et révolutionnaire pense en termes de projet alternatif et non pas seulement en termes de topographie alternative de la gauche.

    Cela conduit à poser la question des exigences organisationnelles. De quel type d'organisations avons-nous besoin pour être en mesure de nous lancer dans un processus révolutionnaire de la sorte ? Le modèle traditionnel, qui envisageait, d'une façon schématique et mécanique, la confrontation à la question du pouvoir en termes de logique militaire, et qui mettait l'accent avant toute chose sur la discipline, est bien sûr intrinsèquement inapproprié et, qui plus est, nous fait courir le risque d'imiter l'État bourgeois. Il est nécessaire de considérer que dans la lutte pour une société différente, fondée sur des principes et des pratiques antagonistes à la logique capitaliste/bourgeoise, nous avons besoin d'organisations qui reflètent les nouvelles formes sociales émergentes. Contrairement à la vision traditionnelle – selon laquelle les exigences de la lutte et la nécessité d'un engagement discipliné dans le processus révolutionnaire justifient des restrictions de la démocratie interne, la suppression de la liberté de parole, et une hiérarchie rigide –, nous voulons des organisations politiques qui soient en même temps des laboratoires pour l'élaboration collective de nouveaux projets et de nouvelles formes d'intellectualité politique et critique à une échelle de masse, et des sites d'expérimentation pour de nouvelles relations sociales et politiques. En ce sens, elles doivent être plus démocratiques, plus égalitaires, plus ouvertes, moins hiérarchiques et moins sexistes que la société qui les entoure.

    Cependant, cela ne doit pas être envisagé comme une exigence abstraite, mais comme une tâche urgente qui implique également un processus complet de reconstruction et de réinvention des organisations politiques. Les organisations politiques radicales contemporaines ne reflètent pas seulement les dynamiques de la conjoncture et des luttes actuelles. Elles sont aussi le résultat de toute une période de crise et de repli du mouvement communiste et socialiste révolutionnaire. En même temps, nous devons reconnaître l'originalité, les forces mais aussi les limites des principales formes organisationnelles qui émergent du mouvement social. La « coordination horizontale » des mouvements – qui est indispensable pour créer des alliances et des espaces de lutte ouverts – n'aide pas toujours à l'élaboration nécessaire de programmes politiques, et d'ordinaire, elle ne permet pas de débattre des questions du pouvoir politique et de l'hégémonie. Le « front électoral » de gauche qui, en général, se fonde sur un programme minimum de mesures immédiates antilibérales, peut aisément prendre la forme d'un agenda réformiste au service d'une gouvernance sociale-démocrate progressiste. Quant au modèle classique du groupe ou de la secte révolutionnaire (ainsi que de ses courants internationaux respectifs), il tend à reproduire la fragmentation, le sectarisme, et la version autoritaire et locale d'un « Lénine imaginaire ».

    Aux antipodes de cela, « ressusciter Lénine » aujourd'hui revient à penser en termes d'originalité maximale, à essayer non pas de se contenter de reproduire des modèles mais de créer des laboratoires de nouveaux projets politiques. On ne pourra y parvenir ni par de simples coalitions électorales ni par l'antagonisme pour « l'hégémonie » entre différents groupes au sein de la gauche radicale. Nous avons besoin de fronts politiques démocratiques, notre propre version de la stratégie du Front unique fondée sur des programmes anticapitalistes, des fronts qui puissent aussi servir de processus à même de rassembler différents courants, différentes expériences dans le mouvement social, différentes sensibilités politiques, qui puissent vraiment servir de laboratoires à de nouveaux projets politiques antagonistes. Nous avons besoin de fronts qui puissent rassembler des orientations et des sensibilités différentes, des expériences et des histoires différentes. Nous avons besoin de « processus constituants » politiques fondés sur la nécessité de surmonter la fragmentation et la crise de la gauche anticapitaliste et d'avoir, pour de bon, des processus de recomposition. Nous devons reconnaître pleinement que les organisations et les courants actuels de la gauche anticapitaliste sont transitoires, qu'ils sont des aspects d'un processus de transformation et d'élaboration collective de nouveaux projets politiques qui sont encore à naître, qu'il est essentiel de les remplacer à la fois en termes d'organisation mais aussi en termes de stratégie. Voilà ce que pourrait être une autocritique nécessaire, et même plus nécessaire que jamais.

    C'est pourquoi il est indispensable d'ouvrir ce débat à tous les niveaux, à la fois à l'échelle nationale et internationale, d'apprendre de nos avancées et de nos erreurs, de débattre avec le plus d'ouverture d'esprit possible des différentes expériences, d'éviter les modes de pensée sectaires et bureaucratiques et de créer non pas seulement des lieux pour le dialogue et l'échange des idées, mais de véritables laboratoires de l'espoir.

    Car comment pouvons-nous changer le monde si nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes ?

    Panagiotis Sotiris est un théoricien marxiste et un membre éminent du comité coordinateur d’Antarsya, le front de la gauche anticapitaliste grecque. Ses travaux portent notamment sur la philosophie contemporaine et marxiste, sur Gramsci, sur Althusser, sur les théoriques critiques radicales et l’impérialisme.

    Intervention présentée en plénière lors de la 11e édition du colloque Historical Materialism, le 6 novembre 2014, traduite depuis l'anglais par Grégory Bekhtari et Stella Magliani-Belkacem avec l'aimable autorisation de l'auteur.

     


    votre commentaire
  • Responsabilité sociale de l’entreprise La CGT accède à la présidence de la plateforme nationale de la RSEPierre-Yves CHANU, représentant de la CGT au sein de la plateforme d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises, dont la candidature était portée par le pôle syndical, a été élu président de cette instance, ce mardi 25 novembre.

    Créée en 2013, cette plateforme regroupe des représentants des organisations syndicales, des organisations d’employeurs et des directions d’entreprises, des ONG et des élus politiques.

    C’est un espace de dialogue, de concertation et de construction de propositions entre acteurs de la RSE.

    Cette élection est la reconnaissance de l’implication de la CGT dans la question de la responsabilité sociale de l’entreprise.

    Ainsi que la CGT l’affirme depuis de nombreuses années, les entreprises ont des comptes à rendre sur les conséquences de leur activité sur la société, que ce soit en France ou dans les autres pays, en particulier ceux du sud.

    C’est pourquoi la CGT considère la lutte pour que les entreprises aient des comportements respectueux des salariés, des citoyens, comme de l’environnement comme un combat revendicatif à part entière.

    En 2015, plusieurs échéances importantes concernant la RSE figureront sur l’agenda :

    - Le plan national d’action RSE, que la France devra élaborer en direction de l’Union européenne ;
    - La transposition en droit interne de la toute nouvelle directive de l’Union européenne sur le reporting social et environnemental des entreprises. Cette transposition doit être l’occasion pour la CGT d’améliorer la législation actuelle, notamment en supprimant la distinction entre sociétés cotées et non cotées pour les entreprises de plus de 500 salariés et en améliorant les informations de nature sociale ;
    - La mise en place d’une législation française portant sur la reconnaissance de la responsabilité entre sociétés mères et filiales et donneurs d’ordres/sous-traitants. Une proposition de loi en ce sens a été déposée par tous les groupes parlementaires de gauche. La CGT soutient cette proposition, et demande qu’elle soit débattue rapidement au Parlement.
    - La tenue à Paris en novembre 2015 de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21).

    La plateforme RSE peut jouer un rôle très important pour faire avancer cet ensemble de sujets, et manière générale faire progresser la responsabilité sociale de l’entreprise.


    votre commentaire
  • Lutter contre les représailles patronales  Petit détour par les prud’hommes La question des représailles patronales contre les militants syndicaux commence petit à petit à être analysée et prise en compte aussi bien par les universitaires que par les équipes syndicales, comme l’atteste la création récente de l’observatoire de la discrimination et de la répression syndicales.

    Il s’agit d’une bataille de longue haleine, qui vise non seulement à réparer les dégâts occasionnés par ces représailles, mais redonner également des moyens aux syndicats. Car derrière la façade du « dialogue social », la violence quotidienne qui s’exerce à l’encontre des syndicalistes démontre l’ampleur des efforts déployés par le patronat et ses relais gouvernementaux.

    Dans cette perspective, la possibilité d’organiser la contre-offensive passe souvent par la case tribunal. On a déjà beaucoup glosé sur la « judiciarisation des relations professionnelles ». Certains y voient une évolution inévitable, d’autres critiquent la place trop importante de ces procédures, qui se substituent dans de nombreux cas aux actions collectives. Sans rentrer dans cette discussion légitime, il faut souligner l’importance que représente une décision de justice pour rendre perceptible aux militants et aux collègues la réalité des représailles, et donc convaincre de la possibilité de lutter contre cette réalité. Car la condamnation obtenue permet notamment de démasquer et de sanctionner les pratiques réelles déployées sous couvert du partenariat social.

    Pour l’illustrer, nous reprenons un article rédigé par la CGT Schindler, et publié dans le courrier fédéral de la CGT Métallurgie. Le syndicat y présente une première victoire obtenue devant le conseil des prud’hommes contre l’entreprise qui pratique depuis 2010 des sanctions illégales à l’encontre notamment des élus et candidats de la CGT. L’intérêt de cette lutte est de combiner défense des syndicalistes sanctionnés et demande de réparation du préjudice que représente l’affaiblissement du syndicat pour l’ensemble des salariés.

    La CGT fait condamner Schindler pour sanctions illégales

    La direction de Schindler France a été condamnée le 5 septembre 2014 pour avoir sanctionné huit élus ou candidats appartenant à la CGT de façon illégale. Elle va devoir rembourser les salaires et faire disparaître les sanctions de leur dossier. Elle devra verser 14 000 euros de dommages et intérêts à la CGT Schindler, qui a porté ces dossiers avec les salariés !

    On le sait, lorsqu’il s’agit de constituer des listes de candidats pour les élections professionnelles, ou parfois simplement de se syndiquer, nous avons souvent du mal à trouver des candidats. Nos collègues manquent rarement d’arguments, sans pour autant aborder la véritable raison : la crainte des représailles. C’est le cas chez Schindler et c’est la raison pour laquelle le syndicat à décider de porter l’affaire devant les tribunaux, pour démontrer clairement que les représailles sont illégales et que le patron n’a pas tous les pouvoirs.

    Sanctionner les syndicalistes pour instaurer un climat de peur chez les salariés

    Depuis 2010, deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de Cassation ont précisé le cadre légal en ce qui concerne les mises à pied disciplinaires. La durée maximale de la mise à pied disciplinaire doit être inscrite dans le règlement intérieur. Cela vise à empêcher les employeurs de mettre un salarié à pied pendant 6 mois par exemple, ce qui obligerait le salarié à démissionner (et permettrait d’éviter ainsi à la direction de le licencier). Depuis ces arrêts, l’employeur doit mettre à jour son règlement intérieur. Sinon, la mise à pied est illégale. Ce qui est le cas chez Schindler, car l’entreprise n’a pas mis son règlement intérieur à jour. Pourtant, elle n’a pas hésité à sanctionner des salariés, et en particulier des élus ou des candidats de la CGT, en leur infligeant des mises à pied qui ont pour conséquence de leur faire perdre du salaire et de les affaiblir en tentant de les décrédibiliser professionnellement.

    Ces sanctions, illégales, servent à la direction à faire peur aux collègues de travail. Le message adressé à tous est clair : restez dans le rang, ou alors nous allons nous occuper de vous ! Elles permettent également de préparer le terrain pour constituer un dossier solide afin d’obtenir à terme le licenciement du salarié. C’est pour toute ces raisons que le syndicat a décidé d’engager les procédures devant les tribunaux, en accompagnant les salariés dans la constitution des dossiers et en étant intervenant volontaire (ce qui signifie que le syndicat plaide en tant que tel aux côtés des salariés).

    Affaiblir le syndicat : un coût pour l’ensemble des salariés

    Lors de l’audience, il a été particulièrement clair que la direction savait que les sanctions étaient illégales. En définitive, l’avocat de la direction a fait porter la majorité de ses efforts pour tenter d’invalider les interventions volontaires[1] du syndicat. Compte-tenu des montants, ce ne sont pas les quelques centaines d’euros de salaires à rembourser qui lui faisait peur, bien au contraire. Mais le fait que le syndicat intervienne pleinement dans la procédure, pour elle, c’était hors de question.

    Le syndicat a décidé d’aborder la question sous l’angle des représailles, et des conséquences pour l’ensemble des salariés de ces méthodes. En prenant pour base les sondages réalisés par l’association Dialogues (une de ces nombreuses structures de « dialogue social » réunissant DRH et « syndicalistes »), dans lesquels il est montré qu’au moins un tiers des salariés ne se syndique pas par peur des représailles du patron, nous avons chiffré le manque à gagner pour le syndicat. En tant que structure collective, il s’agit d’un manque à gagner pour l’ensemble des salariés. Et le patronat a beau jeu de déplorer d’un côté la faiblesse de ses partenaires – c’est le refrain repris partout dans les médias sur la faiblesse du syndicalisme – tout en mettant tout en œuvre pour empêcher les salariés de s’organiser. Cet argument a fait mouche, puisque la formation des référés du CPH de Versailles a décidé d’allouer 14 000 euros de dommages et intérêts provisionnels à la CGT Schindler !

    Première victoire et bataille à poursuivre !

    Ces premiers jugements favorables aux salariés et à la CGT ne sont qu’une étape. Il est nécessaire de rappeler que la direction Schindler a fait partie des troupes de choc anti-CGT du patronat de la métallurgie. En effet, comme l’a révélé le quotidien les Echos en 2009, Schindler faisait partie en 2007 des 10 principaux contributeurs à l’Entraide Professionnelle des Industries de la Métallurgie[2] (EPIM, la fameuse caisse noire du patronat au-sujet de laquelle Denis Gautier-Sauvagnac a été condamné). Nous sommes par conséquent déterminés à faire reconnaître les droits des salariés comme ceux du syndicat. Il s’agit bien sûr de combattre les différentes formes de discriminations cachées derrière les sanctions illégales, mais aussi de renforcer le syndicat comme outil collectif.

     

    CGT Schindler

    L’article a été légèrement remanié pour une meilleure compréhension

     

    La première version a été publiée dans le Courrier Fédéral n° 417

     

    [1] En matière prud’homale, l’intervention volontaire signifie que le syndicat se joint à l’action d’unE ou de plusieurs salariéEs devant le conseil pour faire reconnaître les intérêts collectifs de la profession qu’il représente, en démontrant que le litige n’est pas simplement individuel, mais pose des questions intéressants l’ensemble des salariéEs qu’il représente.

     

    [2] Voir à ce sujet le communiqué de presse de la FTM du 16 juin 2009 « Caisse noire de l’UIMM suite ».


    votre commentaire
  • Coupe Davis : l’évasion fiscale gagne 6-0Avant même le début du match, la Suisse a déjà gagné. Jo-Wilfried Tsonga, Gael Monfils, Richard Gasquet, Julien Benneteau et Gilles Simon sont en effet tous les cinq des heureux résidents de ce pays. Quant à BNP Paribas, qui sponsorise tapageusement l’événement, elle détient le record absolu de la présence dans les paradis fiscaux, avec 170 filiales.

     

    Comme le révèle l’Équipe du 17 novembre [1], « pour la première fois dans l’histoire de la Coupe Davis, une finale opposera des joueurs qui résident tous dans le même pays », qui se trouve être l’un des principaux paradis fiscaux de la planète. Si les cinq joueurs français sont des exilés fiscaux, ils ne sont pas seuls. Roger Federer s’est lui-même exilé en 2008 à l’intérieur de la Suisse : il a déménagé du canton de Bâle-Campagne vers celui de Wollerau, à la fiscalité encore plus réduite que dans le reste du pays.

    Quant au principal sponsor de l’événement, BNP Paribas, qui détient actuellement le fameux saladier dans son agence centrale de Lille, elle est aussi la championne de France de l’évasion fiscale. D’après ses propres chiffres, qu’on ne peut soupçonner de surestimer le phénomène, la plus grande banque européenne réalise pas moins de 21 % de son activité dans des paradis fiscaux grâce à 170 filiales [2].

    Que fait BNP Paribas dans ces paradis fiscaux ?

    Elle organise l’évasion fiscale pour elle-même et ses clients. La preuve ? Un éditorial daté du 21 février 2014 sur le site de la banque, intitulé « Patrimoine intelligent », proclame : « une fiscalité forte est installée durablement en France […] Rien d’inéluctable, impôt sur le revenu, sur les plus-values, sur la transmission, tous les sujets peuvent être optimisés […] Pourquoi ne pas créer une société à géométrie variable […] ? ».

    Aux accusations d’Attac, BNP Paribas a répondu qu’elle voulait « servir ses clients partout dans le monde » et disposait « d’un vaste dispositif de lutte contre la fraude et le blanchiment des capitaux » [3]. Combien de temps cette mascarade va-t-elle encore durer ? Et pourquoi les millionnaires et milliardaires français ne sont-ils pas imposés en France, indépendamment de leur lieu de résidence, comme les États-Unis le font pour leurs nationaux ?

    Attac poursuivra ses actions citoyennes dans le cadre de la campagne « Les Requins » pour imposer à BNP Paribas de fermer ses filiales dans les paradis fiscaux, à commencer par celles des Îles Caimans, véritable trou noir de l’économie mondiale.

     

    Notes

    [2«  Que font les plus grandes banques françaises dans les paradis fiscaux  ?  », Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, novembre 2014. À noter que ce chiffre n’inclut même pas les activités de BNP au Royaume-Uni, notamment à la City.


    votre commentaire
  • Réforme territoriale : le libéralisme devient local avec F.HollandeLe 25 novembre, l’Assemblée nationale votera définitivement le premier volet de la « réforme territoriale ». De quoi s’agit-il ?

    Cette « réforme » peut s’entendre de différentes manières.

    Au sens strict, elle consiste en deux projets de loi qui vont être débattus et votés respectivement à la fin du mois de novembre 2014 et au printemps 2015.
    Le premier touche au périmètre des collectivités existantes (fusion de Région, disparition de certains Département, agrandissement du périmètre géographique des regroupements de communes, les intercommunalités).
    Le second projet de loi, dit NOTRe, concerne, lui, les compétences des Régions, des Départements et des prochaines métropoles. Le calendrier de mise en œuvre de ces mesures est vaste puisqu’il s’étire du 1er janvier 2015 jusqu’à l’horizon 2021.

    De manière plus large, la « réforme territoriale » de l’équipe Valls-Hollande prolonge, réalise et entérine la politique conduite par la droite au pouvoir : à savoir, la mise au pas libéral des collectivités locales.
    Après des années de gel de leurs moyens financiers, les collectivités vont voir ces derniers baisser de 11 milliards d’euros sur trois ans (2014-2017) : une première historique, qui ne restera pas sans conséquence. En effet, d’ici 2 ans, plus de la moitié des villes de 10 000 habitants et les départements pourraient bien être incapables d’équilibrer leur budget, si on en croit un très récent rapport sénatorial.
    Autre « nouveauté » tout aussi inédite, un « objectif national de dépenses » est désormais assigné aux collectivités . Chaque année, l’État va décider d’un montant prévisionnel global de dépenses que devront réaliser les collectivités. Cet indicateur est non contraignant… pour le moment.

    De façon significative, la notion de décentralisation a complètement disparu de la novlangue gouvernementale. Il s’agit bien de réformer des collectivités qui ne fonctionneraient pas bien, et non plus de répartir des compétences et des ressources entre les collectivités et l’État, et encore moins de répartir les richesses entre les territoires « riches » et « pauvres ».

    Or, derrière chaque geste de notre quotidien, c’est un « territoire », une collectivité qui agit. Toucher le RSA, emprunter la route pour se rendre à son travail ; être aidé-e pour payer son loyer ou sa facture d’électricité ; étudié-e dans un collège ou un centre de formation pour apprentis ; faire son marché …

    Ainsi, s’attaquer aux collectivités locales, c’est s’attaquer à nos conditions d’existence, et d’abord à celles des classes populaires.

    C’est pourquoi, eu égard à ces graves enjeux, à la nécessité de les expliciter et de les donner à voir, la Fondation Copernic vient d’éditer le cahier Le libéralisme devient local avec François Hollande. Il propose une approche en trois temps :

    1. la mise au clair des risques de ce « big bang » territorial, qui n’est nullement de nature administrative, à travers l’exemple du social ;
    2. la mise au pas libéral des collectivités, au travers de mécanismes divers qui se renforcent les uns les autres (privatisation de certains services, précarisation de la fonction publique territoriale, course à l’attractivité …) ;
    3. une dernière approche qui apporte un éclairage plus particulier sur la menace évidente que représente cette « réforme » pour la démocratie locale, déjà mise à mal. Il ne s’agit pas d’idéaliser cette dernière. Elle a toujours été très imparfaite et quelques propositions sont faites pour avancer.

      Télécharger gratuitement le cahier : Réforme territoriale : le libéralisme devient local avec F.Hollande

    votre commentaire
  • À lire : un extrait de "Tenir la rue" de Matthias BouchenotLa détermination antifasciste face aux préparatifs nationalistes et policiers

    « Ce soir à Clichy rassemblement antifasciste !1 » L’appel à la contre-manifestation ne figure qu’en deuxième page du Populaire, dans un petit encadré, mais il connaît un véritable retentissement dans les milieux de gauche parisiens grâce à la vigoureuse mobilisation du comité antifasciste de Clichy. Durant les jours qui précèdent la soirée du 16 mars, dans un camp comme dans l’autre, on ne ménage pas ses efforts pour en assurer la réussite. Pour le PSF, l’enjeu est de réussir à maintenir la projection prévue, malgré la pression de la rue. Pour le comité antifasciste de Clichy, il s’agit de laver « l’affront » fait à la cité ouvrière. Marx Dormoy refusant de céder aux demandes d’interdiction de la réunion du PSF, la préfecture de police prépare le maintien de l’ordre et la protection des anciens Croix-de-Feu. La détermination du ministère de l’Intérieur et du comité antifasciste augure des affrontements.

    Les préparatifs du Front populaire

    À lire : un extrait de "Tenir la rue" de Matthias BouchenotSi Le Populaire et L’Humanité n’accordent que quelques lignes à l’annonce du contre-rassemblement antifasciste de Clichy, le comité local du Front populaire mène une intense activité : il fait placarder les murs de la cité ouvrière d’affiches2 et multiplie les diffusions de tracts3. La mairie de Clichy fait également éditer une affiche appelant au rassemblement, signée par le maire SFIO Charles Auffray, le député Maurice Honel et le conseiller général Maurice Naile4, tous deux communistes. Il est à noter que Charles Auffray et Maurice Naile sont deux anciens responsables du Parti d’unité prolétarienne5 (PUP), une organisation de dissidents du PCF. Ce sont toutes les composantes du Front populaire de Clichy qui participent activement à la préparation de la soirée. La Voix populaire, l’organe local du Parti communiste, annonce ainsi : « Nous nous réjouissons de l’attitude de nos camarades de la section socialiste de Clichy qui, comme nous, se sont montrés décidés à tout faire pour que les factieux, genre La Rocque et Doriot, ne viennent provoquer la classe ouvrière de Clichy6. »

    C’est dans cette atmosphère unitaire que la gauche se prépare à l’arrivée des Équipes volantes de propagande (EVP), le service d’ordre du PSF. La police a ainsi vent de la confection clandestine d’une centaine de matraques par des ouvriers dans une usine de câbles des établissements Geoffroy-Delore7. Sur les manifestants antifascistes arrêtés durant la soirée du 16 mars, la police retrouve d’ailleurs des matraques en caoutchouc8, qui auraient pu être fabriquées à partir de chutes de câbles. Le secteur d’autodéfense socialiste de Clichy est sur le pied de guerre. Dès le 15 mars au soir, son responsable, André Derichebourg, organise la surveillance de la permanence du PSF à Clichy et du cinéma Olympia, où doit se tenir la soirée des nationalistes9. Avec d’autres antifascistes, il tente même une dernière fois d’obliger les gérants de la salle à annuler la séance en occupant les lieux, mais l’intervention de la police municipale les en empêche10. L’autodéfense socialiste mobilise au-delà du secteur de Clichy, et parmi les socialistes blessés on identifie des militants de la 18e section ou encore des Jeunes Gardes de la 15e section. La fédération de la Seine a d’ailleurs organisé la mobilisation de tous ses militants.

    Les organisations de gauche se réunissent le 15 mars, à 18 heures, pour évoquer les dernières dispositions techniques11. Le Parti communiste participe au service d’encadrement, comme le prouvent les cartes rouges estampillées « service d’ordre communiste » retrouvées par la police sur des manifestants arrêtés. Malgré l’interdiction de la manifestation, le comité antifasciste prévoit de défiler en cortège dans la ville. Le rendez-vous est donc fixé à 19 heures devant la mairie. Le parcours doit ensuite former une boucle pour encercler le cinéma, partant de la rue Villeneuve et revenant par la rue Jean-Jaurès12. Toutes ces dispositions prouvent bien que du côté des organisateurs de la manifestation du Front populaire règne la plus grande détermination.    

    Les dispositions du PSF

    Bien qu’il ne s’agisse que d’une réunion privée, pour le parti du colonel de La Rocque, la soirée du 16 mars est l’occasion de tester sa capacité à intervenir dans la banlieue de la capitale. Clichy est, comme les autres villes de la ceinture rouge, une place forte du Front populaire. La réunion étant autorisée, le PSF a tout intérêt à la maintenir et à mettre ainsi le gouvernement issu du Front populaire et sa base devant leurs contradictions. Pour y parvenir, le PSF sait qu’il doit déployer de grands moyens, ayant connaissance des préparatifs du comité de Front populaire13. La prudence est donc de mise et il n’est pas prévu que le colonel de La Rocque se rende en personne à Clichy, contrairement à ce qu’annonce le comité antifasciste.

    Toutes les dispositions sont donc prises pour assurer la tenue de la projection. À peine la salle de l’Olympia est-elle vidée des éléments du Front populaire par la police municipale que, le soir du 15 mars, une équipe d’une vingtaine d’individus appartenant au PSF vient prendre possession du cinéma. L’occupation dure toute la nuit et la journée du lendemain, l’équipe de nuit étant relevée au petit matin14. Elle s’organise en accord avec les autorités. Un certain Lemoine, chef de la section de Clichy du PSF, se rend ainsi au commissariat de la ville pour faire savoir les intentions du PSF15.

    À 19 heures, une centaine de membres des EVP protègent les abords du cinéma, mais toutes les équipes du service d’ordre du PSF n’y sont pas concentrées. D’autres EVP, certainement celle de la section des Batignolles16, ont rendez-vous dans une salle de la rue de Montenotte, à Paris, le soir même de la projection, pour être dirigées ensuite vers Clichy en fonction des besoins17. Selon la police, il est probable que d’autres rendez-vous de cette nature soient organisés en d’autres points de la capitale18. Le service de protection du PSF prend également d’autres dispositions afin d’assurer le calme durant leur réunion, comme l’envoi de cartons d’invitation aux personnes autorisées à s’y rendre19.

               

    Les préparatifs policiers

    Comme évoqué plus haut, la préfecture de police de Paris s’intéresse de très près à la préparation de la contre-manifestation et multiplie les enquêtes des Renseignements généraux, non seulement en raison des enjeux politiques, mais aussi à cause des difficultés que ce type d’événement implique en termes de maintien de l’ordre. Son fondement même repose sur une bonne estimation du nombre de manifestants. L’exercice est, dans le cas présent, rendu plus difficile par la multiplication des paramètres aléatoires peu saisissables par les services de renseignement. Ils doivent en effet évaluer l’importance de deux rassemblements concomitants, influant l’un sur l’autre.

    La contre-manifestation peut en effet décourager une partie de l’auditoire familial du PSF, mais également entraîner une plus importante mobilisation des Équipes volantes de propagande et d’autres éléments d’extrême droite attirés par les promesses de bagarre. La mobilisation antifasciste n’est pas non plus évidente à évaluer ; les organisations ayant pris connaissance des intentions du PSF tardivement20 ne disposent que d’une huitaine de jours pour la préparer. Elle est intense, d’un caractère unitaire dans les rangs de la gauche et peut s’appuyer sur le mouvement ouvrier local. Un rapport de police note que lors du rassemblement des travailleurs de la fonction publique, le dimanche 14 mars à Clichy, le secrétaire des syndicats de la région parisienne lance un appel au rassemblement antifasciste21. Les services de renseignement sous-estiment très largement le nombre de manifestants de gauche et n’en annoncent que 2 00022 dans un premier temps. Ce n’est que le jour même qu’ils rectifient leurs estimations, en annonçant la participation de 5 000 à 8 000 antifascistes23. À l’inverse, ils surévaluent la participation du PSF, en annonçant 1 200 spectateurs et 300 membres des EVP24, alors que le nombre total ne dépasse jamais 500.

    Malgré ces mauvaises évaluations, les effectifs policiers sont importants ce soir-là. La direction générale de la police municipale prévoit environ 1 800 policiers et gardes mobiles pour boucler la place de la mairie, où est prévue la manifestation antifasciste. Les effectifs sont composés de 300 gardiens de la paix, 40 cyclistes, 40 agents en civil, 25 cavaliers de la Garde, 40 pelotons25 de gardes mobiles, ainsi que cinq autres pelotons de gardes mobiles en réserve26. Une centaine d’agents a pour mission d’interdire la place de la mairie et de refouler les manifestants vers la place du marché, qui se trouve en face. Huit barrages sont prévus, aux alentours de la mairie, sur les rues Jaurès, de l’Union, Villeneuve, Dagobert et Marte, notamment27.

    De part et d’autre, ces préparations à l’affrontement ne sont pas sans rappeler les événements d’octobre 1935 à Villepinte, où des manifestants antifascistes mobilisés par la mairie et entraînés par les troupes de choc de gauche prennent d’assaut une réunion privée de Croix-de-Feu préparés à l’affrontement. À Villepinte, si la police ne réussit pas à empêcher les heurts, elle parvient cependant à éviter qu’ils ne dégénèrent. En suivant le déroulement de la soirée du 16 mars 1937, il faut maintenant comprendre les mécanismes qui mènent au « massacre de Clichy28 ».

     

    • 1. « Ce soir à Clichy rassemblement antifasciste ! », Le Populaire, 16 mars 1937.
    • 2. APP, BA 2360.
    • 3. APP, BA 1866, rapport de police du 16 mars 1937.
    • 4. Naile est un ancien du PUP retourné au PCF au moment des évènements de Clichy. APP, BA 2360.
    • 5. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier
    • 6. « Alerte, de La Rocque à Clichy », La Voix populaire, 12 mars 1937.
    • 7. APP, BA 1865, rapport de police du 15 mars 1937. La police n’a pas réussi à confirmer cette information, bien qu’après enquête elle estime l’opération tout à fait possible.
    • 8. APP, BA 1865, rapport de police, 23 mars 1937.
    • 9. APP, BA 2360, déposition de Derichebourg.
    • 10. APP, BA 1866, rapport de police du 16 mars 1937.
    • 11. APP, BA 2360, déposition de Derichebourg.
    • 12. APP, BA 1866, rapport de police du 16 mars 1937.
    • 13. APP, BA 1865, rapport de police non daté.
    • 14. Ibid.
    • 15. APP, BA 1866, rapport de police du 15 mars 1937.
    • 16. La section du PSF des Batignolles est convoquée au même endroit et au même moment. APP, BA 1866, rapport de police du 16 mars 1937
    • 17. Ibid.
    • 18. Ibid.
    • 19. Ibid.
    • 20. « Ce que nous disent : M. Auffray »,France soir, 17 mars 1937.
    • 21. APP, BA 1865, rapport de police du 15 mars 1937.
    • 22. Ibid.
    • 23. APP, BA 1865, rapport de police du 16 mars 1937.
    • 24. Ibid.
    • 25. Un peloton est composé de 20 à 30 personnes.
    • 26. APP, BA 1866, lettre non datée du directeur général de la police municipale au préfet de police.
    • 27. Voir le croquis en annexe.
    • 28. Titre de l’article de Simon Kitson, sur le sujet. Kitson Simon, « The police and the Clichy massacre », dans Bessel Richard et Emsley Clive, Patterns of Provocation, Oxford Berghan, 2000, pp. 29-40.

    votre commentaire
  • Palestine/Israël – Des origines à aujourd’hui : un conflit, des issues ?Le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé. Cette déclaration unilatérale provoque l’intervention des pays arabes voisins et déclenche la première guerre israélo-arabe. La première d’une longue série... Ce conflit trouve son origine dans la colonisation et l’impérialisme des grandes puissances, ponctué de guerres, d’accords de « non-paix », de résistances, et personne ne peut en prédire l’issue.

     

    Cet été, Israël est de nouveau entrée en guerre contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Le bilan en est terrible : plus de 2 100 morts du côté des Palestiniens, plus de 5 milliards d’euros de dégâts selon les Nations unies, 203 écoles à reconstruire, l’unique centrale électrique arrêtée, 50 % du réseau d’eau potable endommagé...

    Cette guerre avait pour but de rendre impossible des réponses politiques pourtant nécessaires face à l’occupation, et la perspective d’un gouvernement Fatah-Hamas. Malgré une non-victoire militaire et surtout une défaite politique pour Netanyahou – qui risque d’en payer le prix fort au profit de l’extrême droite aux prochaines élections –, le cessez-le-feu signé entre le gouvernement sioniste et le Hamas ne règle rien sur le fond : le blocus est maintenu et aucune des revendications palestiniennes n’a été satisfaite. Dans le même temps, la colonisation continue, tout comme l’oppression subie quotidiennement par des Palestiniens soumis aux check-points, à l’arbitraire policier, aux violences...

    Cette opération, la dernière d’une longue série de guerres, ne représente sûrement pas l’épilogue d’un des conflits les plus longs de la planète. Ce dossier a donc pour but de donner quelques éléments historiques de compréhension, pour continuer la nécessaire solidarité avec les Palestiniens, et la lutte résolue pour leurs droits.

    Aux origines d’un conflit

    Quand en 1897, au premier congrès sioniste mondial à Bâle, Theodor Herzl faisait adopter la proclamation suivante « le sionisme vise à établir pour le peuple juif une patrie en Palestine qui soit garantie par le droit public », peut-être n’imaginait-il pas qu’il ouvrait la voie au plus long conflit de la planète...

    Le sionisme est théorisé à cette époque dans un contexte particulier. La population juive est victime de l’antisémitisme qui imprègne toutes les sociétés européennes. Entre 1881 et 1899, des pogroms ont eu lieu de façon régulière à l’est de l’Europe et en Russie, tandis qu’en France débutait l’affaire Dreyfus. Ces persécutions, ajoutées aux aspirations nationalistes consécutives aux unités allemandes et italiennes et au socialisme naissant, font du sionisme une perspective émancipatrice pour les juifs, peuple sans État. Qui plus est quand partout la colonisation est vantée pour ses vertus... Le sionisme ne peut qu’éclore et se développer.

    Suite à la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman est démembré et le Proche-Orient partagé entre un mandat britannique, qui comprend notamment la Palestine, et un mandat français. Face aux premières revendications anticoloniales qui voient le jour, ces deux puissances voient dans l’émigration juive européenne un point d’appui à leur propre politique impérialiste. Ainsi en 1917, Lord Balfour, alors ministre des Affaires étrangères britannique déclare envisager « favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif ».

    Début de la colonisation, premières résistances

    Soutenu de la sorte, le processus d’installation des juifs en Palestine se poursuit : on estime à presque 300 000 juifs le nombre qui migrent entre 1919 et 1939. La politique d’expulsion et d’ethnicisation du territoire ne fait que commencer. Les Palestiniens, déjà en lutte contre la tutelle britannique, voient se consumer leurs espoirs d’émancipation au fur et à mesure que les colons s’installent et les spolient de leurs terres.

    Le nationalisme palestinien doit combattre sur deux fronts : contre l’occupant britannique qui, au vu de l’agitation, renforce sa présence armée, et contre l’installation des colons qui de leur côté s’organisent en milice, la Hagana, contre les Palestiniens et contre les Britanniques. Ainsi, quand éclate la grande révolte palestinienne de 1936, soutenue par la grève générale, les nationalistes palestiniens voient leur direction politique tuée et forcée à l’exil. C’est donc bien un conflit territorial entre colons et colonisés qui débute et la question religieuse n’est que secondaire. Une grande partie des juifs émigrés se réclament en effet d’un sionisme de gauche et rejettent la religion qui aurait, d’après eux, été un facteur de résignation et de passivité.

    Les grandes puissances partagent le monde

    La Seconde Guerre mondiale marque un tournant majeur dans le conflit. Des dizaines de milliers de Juifs ne veulent plus vivre dans les pays qui ont été complices ou responsables de leur extermination, et le génocide légitime clairement aux yeux de l’opinion publique la création d’un État juif.

    Le monde est désormais divisé en deux blocs, américain et soviétique, aux ambitions contradictoires mais qui, pour affaiblir les Britanniques dans cette région du monde, voient aussi cette perspective d’un bon œil. Le 29 novembre 1947, l’ONU, tout récemment créé, propose dans sa résolution 181, un plan de partage qui ferait naître deux États, donnerait 56 % des territoires au nouvel État juif et en laisserait 44 % pour un État palestinien, et doteraient les lieux saints d’une administration internationale. À peine cette résolution prise, repartent les combats entre Palestiniens et les désormais presque Israéliens...

     


    votre commentaire
  • Réforme territoriale 13 Régions : pourquoi faire ?L’Assemblée nationale a voté, mercredi 19 novembre, en seconde lecture, l’article 1 du projet de loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, dont le vote final aura lieu le 25 novembre.


    Avec ce vote, après de longs débats, les députés découpent la France métropolitaine en 13 régions par fusion de régions.

    Les nombreuses cartes des nouvelles régions proposées, votées, supprimées, revotées, les débats vifs entre élus sur les périmètres régionaux confirment, si besoin était, l’absence de projets de territoire, donnant du sens au quotidien des citoyens, permettant d’assurer un avenir individuel, donnant une identité collective ; l’absence de perspectives de développement équilibré.
    Ce nouveau puzzle institutionnel va au contraire accroître la perte de repères, de sens, accroître les inégalités dans notre société qui se délite déjà fortement.

    Ce découpage, centré sur les métropoles et pôles d’excellence, appuyé sur des raisons économiques et financières visant à placer la France et les régions dans la compétition européenne dans le cadre d’une politique d’austérité - politique de l’offre et réduction des dépenses publiques - n’apporte pas de solutions à la crise actuelle. Il ne répond pas aux besoins de la population. Il met les territoires en concurrence quand il faudrait plus de coopération. Il ne vise au final qu’à servir les intérêts des grandes entreprises et du capital.

    L’impact concret de ce remodelage institutionnel – fusion des régions, affaiblissement ou/et disparition des départements, regroupement des intercommunalités, métropoles – couplé avec une nouvelle répartition des compétences des collectivités territoriales et la réforme de l’Etat, reste à mesurer pour les territoires et pour la vie quotidienne des citoyens. Contrairement à la politique gouvernementale, cela demande la mise en œuvre de nombreuses politiques publiques, le développement des services publics et une vraie politique de réindustrialisation de notre pays, pour un aménagement du territoire répondant aux besoins sociaux et économiques.

    L’absence de tout débat public citoyen marque cette réforme, touchant pourtant la vie quotidienne des populations. Nous condamnons ce déni de démocratie.

    La CGT confirme que cette réforme ne répond aucunement aux urgences de la situation de notre pays, qu’elle n’est acceptable ni sur la forme ni sur le fond.

     


    La CGT parodie Star Wars ! par Ecranlarge


    votre commentaire
  • Pour le droit au travail et l’accès à l’emploi de qualité tous ensemble dans l’action le 6 décembre !Les choix patronaux et gouvernementaux favorisent et augmentent les licenciements, les délocalisations, le dumping social, la précarité. Le crédo patronal et gouvernemental est de réduire inlassablement le coût du travail pour augmenter le capital et enrichir les seuls actionnaires.

    Pour faire diminuer le nombre de chômeurs, le gouvernement a fait croire à l’opinion qu’il suffisait d’assister durablement les entreprises en leur faisant des cadeaux fiscaux et en diminuant les cotisations sociales pour qu’elles créent de l’emploi. Le résultat aujourd’hui est désastreux ! Le chômage de masse et de longue durée explose et s’installe durablement. Dès lors, le vieux couplet stigmatisant des chômeurs fraudeurs, profiteurs revient dans le discours politique et donne du crédit aux thèses extrémistes et populistes à l’œuvre actuellement dans notre pays.

    Pour le droit au travail et l’accès à l’emploi de qualité tous ensemble dans l’action le 6 décembre !Les salariés privés d’emploi ou précaires sont les premières victimes de ces choix et payent une crise dont ils ne sont en rien responsables. Depuis des années, les gouvernements successifs nous promettent une inversion possible de la courbe du chômage. Mais chaque mois le constat se répète, le chômage de masse poursuit son ascension. Il pèse lourdement dans la vie de chaque famille, pour le développement du pays et le vivre ensemble.

    La nouvelle convention assurance chômage révise à la baisse une fois de plus le droit des chômeurs, des intérimaires et des intermittents. Les premiers effets néfastes des droits rechargeables ne se sont pas faits attendre. Avec le nouveau calcul de leur indemnisation, certaines personnes perdent des sommes considérables sur leur revenu de remplacement par rapport à l’ancien mode de calcul qui n’était déjà pas en faveur des privés d’emploi.

    Enfin, malgré les annonces faites lors de la Conférence nationale contre la pauvreté de 2012, notamment l’augmentation de 10% d’ici 2017 du niveau du RSA et un objectif de diminuer les non recours au RSA Activité, les annonces du gouvernement de dispositif remplaçant prime pour l’emploi et RSA Activité pour les travailleurs pauvres se fera à budget constant.

    Dans ce contexte, notre appel à l’action avec trois associations de chômeurs, pour le droit au travail, l’accès à l’emploi, contre la précarité concerne tous les salariés de tous les secteurs d’activité et toutes les générations.

    C’est pourquoi, CGT et le Comité National des privés d’emploi appellent chaque salarié, chaque chômeur, chaque retraité à participer très nombreux la manifestation nationale le samedi 6 décembre à 14h00, Place Stalingrad à Paris.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique