• Lutter contre les représailles patronales Petit détour par les prud’hommes

    Lutter contre les représailles patronales  Petit détour par les prud’hommes La question des représailles patronales contre les militants syndicaux commence petit à petit à être analysée et prise en compte aussi bien par les universitaires que par les équipes syndicales, comme l’atteste la création récente de l’observatoire de la discrimination et de la répression syndicales.

    Il s’agit d’une bataille de longue haleine, qui vise non seulement à réparer les dégâts occasionnés par ces représailles, mais redonner également des moyens aux syndicats. Car derrière la façade du « dialogue social », la violence quotidienne qui s’exerce à l’encontre des syndicalistes démontre l’ampleur des efforts déployés par le patronat et ses relais gouvernementaux.

    Dans cette perspective, la possibilité d’organiser la contre-offensive passe souvent par la case tribunal. On a déjà beaucoup glosé sur la « judiciarisation des relations professionnelles ». Certains y voient une évolution inévitable, d’autres critiquent la place trop importante de ces procédures, qui se substituent dans de nombreux cas aux actions collectives. Sans rentrer dans cette discussion légitime, il faut souligner l’importance que représente une décision de justice pour rendre perceptible aux militants et aux collègues la réalité des représailles, et donc convaincre de la possibilité de lutter contre cette réalité. Car la condamnation obtenue permet notamment de démasquer et de sanctionner les pratiques réelles déployées sous couvert du partenariat social.

    Pour l’illustrer, nous reprenons un article rédigé par la CGT Schindler, et publié dans le courrier fédéral de la CGT Métallurgie. Le syndicat y présente une première victoire obtenue devant le conseil des prud’hommes contre l’entreprise qui pratique depuis 2010 des sanctions illégales à l’encontre notamment des élus et candidats de la CGT. L’intérêt de cette lutte est de combiner défense des syndicalistes sanctionnés et demande de réparation du préjudice que représente l’affaiblissement du syndicat pour l’ensemble des salariés.

    La CGT fait condamner Schindler pour sanctions illégales

    La direction de Schindler France a été condamnée le 5 septembre 2014 pour avoir sanctionné huit élus ou candidats appartenant à la CGT de façon illégale. Elle va devoir rembourser les salaires et faire disparaître les sanctions de leur dossier. Elle devra verser 14 000 euros de dommages et intérêts à la CGT Schindler, qui a porté ces dossiers avec les salariés !

    On le sait, lorsqu’il s’agit de constituer des listes de candidats pour les élections professionnelles, ou parfois simplement de se syndiquer, nous avons souvent du mal à trouver des candidats. Nos collègues manquent rarement d’arguments, sans pour autant aborder la véritable raison : la crainte des représailles. C’est le cas chez Schindler et c’est la raison pour laquelle le syndicat à décider de porter l’affaire devant les tribunaux, pour démontrer clairement que les représailles sont illégales et que le patron n’a pas tous les pouvoirs.

    Sanctionner les syndicalistes pour instaurer un climat de peur chez les salariés

    Depuis 2010, deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de Cassation ont précisé le cadre légal en ce qui concerne les mises à pied disciplinaires. La durée maximale de la mise à pied disciplinaire doit être inscrite dans le règlement intérieur. Cela vise à empêcher les employeurs de mettre un salarié à pied pendant 6 mois par exemple, ce qui obligerait le salarié à démissionner (et permettrait d’éviter ainsi à la direction de le licencier). Depuis ces arrêts, l’employeur doit mettre à jour son règlement intérieur. Sinon, la mise à pied est illégale. Ce qui est le cas chez Schindler, car l’entreprise n’a pas mis son règlement intérieur à jour. Pourtant, elle n’a pas hésité à sanctionner des salariés, et en particulier des élus ou des candidats de la CGT, en leur infligeant des mises à pied qui ont pour conséquence de leur faire perdre du salaire et de les affaiblir en tentant de les décrédibiliser professionnellement.

    Ces sanctions, illégales, servent à la direction à faire peur aux collègues de travail. Le message adressé à tous est clair : restez dans le rang, ou alors nous allons nous occuper de vous ! Elles permettent également de préparer le terrain pour constituer un dossier solide afin d’obtenir à terme le licenciement du salarié. C’est pour toute ces raisons que le syndicat a décidé d’engager les procédures devant les tribunaux, en accompagnant les salariés dans la constitution des dossiers et en étant intervenant volontaire (ce qui signifie que le syndicat plaide en tant que tel aux côtés des salariés).

    Affaiblir le syndicat : un coût pour l’ensemble des salariés

    Lors de l’audience, il a été particulièrement clair que la direction savait que les sanctions étaient illégales. En définitive, l’avocat de la direction a fait porter la majorité de ses efforts pour tenter d’invalider les interventions volontaires[1] du syndicat. Compte-tenu des montants, ce ne sont pas les quelques centaines d’euros de salaires à rembourser qui lui faisait peur, bien au contraire. Mais le fait que le syndicat intervienne pleinement dans la procédure, pour elle, c’était hors de question.

    Le syndicat a décidé d’aborder la question sous l’angle des représailles, et des conséquences pour l’ensemble des salariés de ces méthodes. En prenant pour base les sondages réalisés par l’association Dialogues (une de ces nombreuses structures de « dialogue social » réunissant DRH et « syndicalistes »), dans lesquels il est montré qu’au moins un tiers des salariés ne se syndique pas par peur des représailles du patron, nous avons chiffré le manque à gagner pour le syndicat. En tant que structure collective, il s’agit d’un manque à gagner pour l’ensemble des salariés. Et le patronat a beau jeu de déplorer d’un côté la faiblesse de ses partenaires – c’est le refrain repris partout dans les médias sur la faiblesse du syndicalisme – tout en mettant tout en œuvre pour empêcher les salariés de s’organiser. Cet argument a fait mouche, puisque la formation des référés du CPH de Versailles a décidé d’allouer 14 000 euros de dommages et intérêts provisionnels à la CGT Schindler !

    Première victoire et bataille à poursuivre !

    Ces premiers jugements favorables aux salariés et à la CGT ne sont qu’une étape. Il est nécessaire de rappeler que la direction Schindler a fait partie des troupes de choc anti-CGT du patronat de la métallurgie. En effet, comme l’a révélé le quotidien les Echos en 2009, Schindler faisait partie en 2007 des 10 principaux contributeurs à l’Entraide Professionnelle des Industries de la Métallurgie[2] (EPIM, la fameuse caisse noire du patronat au-sujet de laquelle Denis Gautier-Sauvagnac a été condamné). Nous sommes par conséquent déterminés à faire reconnaître les droits des salariés comme ceux du syndicat. Il s’agit bien sûr de combattre les différentes formes de discriminations cachées derrière les sanctions illégales, mais aussi de renforcer le syndicat comme outil collectif.

     

    CGT Schindler

    L’article a été légèrement remanié pour une meilleure compréhension

     

    La première version a été publiée dans le Courrier Fédéral n° 417

     

    [1] En matière prud’homale, l’intervention volontaire signifie que le syndicat se joint à l’action d’unE ou de plusieurs salariéEs devant le conseil pour faire reconnaître les intérêts collectifs de la profession qu’il représente, en démontrant que le litige n’est pas simplement individuel, mais pose des questions intéressants l’ensemble des salariéEs qu’il représente.

     

    [2] Voir à ce sujet le communiqué de presse de la FTM du 16 juin 2009 « Caisse noire de l’UIMM suite ».

    « Coupe Davis : l’évasion fiscale gagne 6-0Responsabilité sociale de l’entreprise La CGT accède à la présidence de la plateforme nationale de la RSE »

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