• Situation dramatique pour les migrants à Calais

    Situation dramatique pour les migrants à CalaisLe plus souvent venus de pays en guerre, des centaines de migrants occupent des squats, des campements insalubres. Ils ne peuvent compter que sur l’aide des associations qui, comme le Secours populaire français, leur apportent un peu de réconfort.

    Il est 18 heures. Comme chaque jour, la camionnette de Salam (Soutenons, aidons, luttons, agissons pour les migrants) apporte le dîner aux migrants. Calais compte, depuis des années, un volant quasi permanent de 500 à 600 femmes et hommes, attendant l’opportunité de rejoindre la Grande-Bretagne. Ils arrivent d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie,  fuyant la misère, la guerre, l’arbitraire. Ils sont soudanais, érythréens, syriens, pakistanais, afghans dans leur majorité. Ils vivent, dispersés dans des squats, dans la « jungle », entre dunes et bosquets et dans deux camps de fortune, l’un sur le port, l’autre au pied du canal à deux pas de la mairie. C’est dans des abris  de planches et de cartons –comment  donner le nom de camp à cet entassement de cabanes ?-, entre les flaques d’eau, les rails de chemin de fer,que  plusieurs centaines de jeunes gens attendent le geste du passeur qui leur fera miroiter l’espoir de la réussite de leur odyssée.  Il leur faudra se cacher dans un des 1 500 camions que, chaque jour, transportent les ferrys, au risque d’y mourir asphyxié ou écrasé par la cargaison, puis tromper la vigilance des policiers anglais équipés d’appareils à détecter la chaleur. En cas d’échec, le candidat à l’immigration peut se voir signifier son expulsion. Il devra  alors recommencer dans un autre port européen assurant la liaison avec la Grande-Bretagne. À Calais, l’attente est la compagne quotidienne.

     Ils attendent  donc, en proie à l’angoisse de la capture par la police, sans argent pour se nourrir, se chausser, se laver. Sans la quinzaine d’associations qui assurent le minimum vital, ils mourraient, anonymes, comme certains de leurs compagnons d’infortune, enterrés au cimetière de Calais sous une croix marquée : Monsieur X, avec la date du décès. Salam assure la liaison et l’unique repas quotidien élaboré par ses bénévoles avec des produits que fournit notamment le Secours populaire du Nord. Ensuite viennent les soins pour les petits maux, dispensés par une aide-soignante. Le Réveil voyageur distribue un petit déjeuner frugal (café, pain, confiture), un jour sur deux.  Pour ajouter, s’il était encore besoin à leur détresse, ils ne disposent que de trois cabines de WC pour tous et d’un seul point où puiser l’eau d’une toilette sommaire ou d’un thé préparé sur un foyer alimenté par le bois de palettes qui servent également à isoler la couche du sol froid et humide. Le SPF et les jeunes du village enfants copain du Monde de Gravelines collectent des chaussures, des duvets, des polaires, des tentes que distribue Salam. Depuis la démolition, en 2002, du centre d’accueil de Sangatte, ces gestes, ces actes répétés sont une bouffée de chaleur humaine pour des femmes et des hommes oubliés des pouvoirs publics et devenus invisibles pour les passants, tant il convient, pour eux, de rester le plus discret possible, comme en témoigne Jean-Claude Lenoir, président de Salam.

    D’où qu’il vienne, chacun d’eux, pourrait narrer une histoire en tout point semblable à celle du voisin : la nécessité de partir, de trouver une terre d’accueil pour envoyer de l'argent à la famille. Pour cela il faut affronter le désert, la traversée de la Méditerranée sur un bateau ressemblant parfois au Radeau de la Méduse. Sofiane, étudiant en médecine a fui l’Érythrée, avec Abi, pour échapper au service militaire et à la guerre. Les deux amis ont vu mourir 14 compatriotes dans les sables de Lybie. Adam a perdu la quasi-totalité de sa famille tuée au Sud-Soudan. Avec son bagage d’instituteur, son anglais quasi parfait, il espère se refaire une vie digne de l’autre côté de la Manche. Chez lui, il militait dans une association luttant contre les violences familiales. Ali, hazara d’Afghanistan, attend depuis près d’un mois. Il a été arrêté par la police française, puis relâché. Dahman, Syrien d’Alep, ingénieur en génie civil, est sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière et doit donc redoubler de prudence. On pourrait multiplier les témoignages comme celui de Reza Khan, du Bangladesh. Après avoir séjourné dans 9 pays européens, il espère rejoindre les siens en Grande-Bretagne. Ce jeune Malien, qui tait son nom, a rejoint Seuta, enclave espagnole au Maroc, à la nage. Étant francophone, il souhaite rester en France. Mais, s’il obtient, avec l’aide des associations locales, des papiers de résident temporaire, il devra acquitter un timbre fiscal de 550 euros : comment faire quand on n’a pas même les moyens d’acheter du pain ?

    Aux situations inhumaines vécues par ces jeunes gens qui ne mangent pas suffisamment, couchent dans des conditions déplorables, s’ajoute la fatigue des bénévoles qui pallient la carence des pouvoirs publics. Les migrants, qui ne voient d’autre issue à leurs malheurs que l’accostage en Angleterre, où, pour le moment, il est encore possible de s’installer, passés les périls de la traversée, ont plus que jamais besoin de solidarité et d’accompagnement. Pour cela, le Secours populaire, relayant Salam, doit réunir plus de moyens pour la nourriture, les vêtements, les duvets pour des migrants qui continuent d’affluer au nombre de 20 à 30 par jour. Car, il convient  d’améliorer un peu le sort de femmes et d’hommes qui, contraints à l’exil, tentent, souvent au péril de leur vie, de rencontrer une terre  d’accueil où mener une existence digne, loin des violences et de la famine.

     

    Témoignage

     

    Des solutions d’hébergement sont envisagées avant fin 2014. Seront-elles pérennes ?

    Parmi les migrants, on compte un certain nombre de demandeurs d’asile qui peuvent, comme tels, bénéficier de l’hébergement d’urgence, voire du 115. Cependant, le manque de places les oblige à se déplacer loin de Calais. Ainsi, beaucoup abandonnent la procédure pour rejoindre un squat. Les mineurs isolés se trouvent sous la protection de l’ASE (Aide sociale à l’enfance), mais là aussi le peu de places les contraint souvent à aller à Saint-Omer à 40 km. Pour les migrants, on note des différences. Les Albanais, par exemple, en tant qu’Européens peuvent rester en France 3 mois, sans visa, ce qui permet d’engager les démarches. Les autres devraient pouvoir jouir de l’hébergement d’urgence, comme tout SDF. Mais, les départements du Nord et du Pas-de-Calais estiment que ceux qui veulent aller au Royaume-Uni n’entrent pas dans ce schéma, étant seulement de passage. Devant l’acuité du problème et l’image négative pour le tourisme que représentent les campements, des mesures devraient être prises, avant fin 2014, en concertation avec tous les acteurs, pour démanteler les camps et proposer des solutions d’hébergement. La préfecture envisage ainsi de reloger en priorité les femmes vivant dans les squats. Certaines mairies de la région ont aménagé des terrains municipaux, ce qui constitue une petite amélioration. Mais, la municipalité de Calais et le conseil général du Pas-de-Calais n’envisagent pas, pour le moment, d’évacuation et de relogements, alors que la ville compte 4 000 logements vides et des centaines d’usines et hangars désaffectés.

    Philippe Wannesson, militant des droits de l’homme et rédacteur du blog : Passeurs d’hospitalités
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