• Risques Psychosociaux, une prévension efficace doit être collective.

    Risques Psychosociaux, une prévension efficace doit être collective.Depuis longtemps, les syndicats tirent le signal d’alarme sur les dérives de l’organisation du travail, sources de souffrance chez les salariés. Confrontés depuis quelques années aux suicides, point de non retour des salariés en souffrance, les syndicats doivent retrouver de la voix pour gagner la mise en place d’une prévention collective des risques psychosociaux

    Risques Psychosociaux, une prévension efficace doit être collective.Les médias ont fait écho de suicides intervenus dans de nombreuses entreprises de la métallurgie (Renault, Thales,…etc), des interventions de la CGT mais également des actions des familles des victimes. Ces actions aident au deuil des familles en faisant reconnaitre la responsabilité des entreprises dans ces drames. Ces actions en réparation sont longues et éprouvantes pour les familles afin de faire reconnaitre ces suicides en accidents du travail par la Caisse d’Assurance Maladie et en fautes inexcusables au Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS).
    Pour les familles, le soutien du syndicat est indispensable. En retour, il nous fait également progresser dans notre stratégie de prévention du mal être au travail dû à l’application exacerbée d’une organisation du travail axée sur la satisfaction de l’actionnaire à court terme.
    Cela nous pose la question d’une prévention efficace du mal-être généré par ces organisations du travail, en lien avec une stratégie syndicale qui les combat. De plus, cela permet d’ouvrir le débat avec les salariés sur la conquête d’un management alternatif qui replace l’humain au coeur du travail. Celui-ci ne devrait plus être vécu dans la coercition et la souffrance. Au contraire, un management alternatif devrait donner toute sa place à l’épanouissement du salarié dans des collectifs de travail repensés et valorisés.
     


    Ce dossier des suicides au travail a été le thème principal de la journée « santé –travail » organisée par la fédération le 22 mars dernier, avec les témoignages des veuves de victimes de ces accidents du travail. Cela s’est concrétisé par l’édition d’une plaquette «Suicide, tentative de suicide. Quelles actions syndicales ? » (en encart) permettant d’aider concrètement les syndicats dans leurs démarches lorsque ces drames se produisent.


    L’argumentaire des directions
    Je vous propose ici d’examiner plus particulièrement les argumentaires patronaux et les jugements rendus de deux procès, celui de Renault (Guyancourt) et celui de Thales (Toulouse). Cela doit nous permettre de mieux agir contre les risques psychosociaux (RPS) qui touchent toutes les catégories de salariés de l’entreprise.
    C’est pour cela que la prévention des RPS doit être l’affaire du syndicat, de tous les syndiqués, et ne pas uniquement être déléguée aux membres du CHS-CT. Dans les deux procès cités, les victimes sont des cadres. De par cette spécificité, le mal être dû à l’organisation, à la charge et à la qualité du travail est pointé avec force. Il renvoie au management dit «universel » pratiqué dans les entreprises. Dans le cas de l’accident de Renault le juge prend en compte un certain nombre de faits comme :

    • « L’absence d’intégration des risques psychosociaux dans le document unique »,
    • La mise en doute par la médecine du travail d’une image collective du stress par les tests auto déclaratifs de stress
    • lors des visites médicales,
    • Le fait de privilégier la prévention individuelle et d’ignorer la prévention collective pour les RPS,
    • L’alerte de la médecine du travail sur les conséquences des nouveaux projets de la direction en termes de charge de travail.

    Ces éléments ont conduit les juges à prononcer la Faute Inexcusable de l’Employeur (FIE). Dans le cas de l’accident de Toulouse, la direction de Thales a axé sa défense sur la non visibilité des signes d’un stress professionnel intense argumentant même que contrairement au cas de Renault qui vient d’être évoqué, elle ne pouvait pas en voir les signes avant coureurs.
    Le juge a malheureusement retenu l’argumentaire développé par la direction de THALES, à savoir :

    • les réclamations adressées à l’employeur par la victime datent de deux ans,
    • si certaines personnes ont constaté le mal-être de la victime, aucune n’a pressenti ou imaginé qu’il pourrait mettre fin à ses jours,
    • rien n’a été signalé à l’employeur, ni par le CHS-CT, ni par un représentant du personnel, ni par l’intéressé.


    Dans le rendu du jugement, il est noté «l’employeur a sans doute été alerté des problèmes par monsieur X, mais il n’a jamais eu connaissance d’un état dépressif, d’envies suicidaires…. L’employeur pouvait parfaitement ignorer l’état de détresse psychologique de monsieur X…Cet employeur est très certainement sensibilisé aux risques psychosociaux ainsi qu’en témoignent les pièces qu’il verse au débat (accord qualité de vie au travail, commission RPS…)»
    Aujourd’hui le TASS de Toulouse n’a pas prononcé la FIE de Thales, tout en gardant la causalité du suicide lié au travail. Un recours en appel a été déposé. En effet, si selon le Tribunal, Thales pouvait «parfaitement ignorer l’état de détresse psychologique» de Dominique qui l’a amené à mettre fin à ses jours, Thales ne peut être exonéré des conséquences inhérentes à l’inefficacité de ses choix et à l’obligation de sécurité, dite de résultat.
    Cela d’autant plus que les juges reconnaissent en Thales un employeur «très certainement sensibilisé aux risques psychosociaux».
    En raison de son caractère comminatoire, l’obligation de sécurité de résultat constitue une véritable norme comportementale qui aurait dû inciter Thales à développer de façon systématique une politique de prévention ne se réduisant pas à la dimension individuelle des troubles présentés par les salariés, mais à une réflexion sur les facteurs susceptibles d’affecter la sécurité et /ou la santé des salariés en milieu de travail (facteurs organisationnels, conditions de travail, mode de management...) conforme aux principes généraux de prévention (L 4121-1 et 2 du
    code du travail, voir encadré).
    Conformément à ces principes, Thales aurait notamment dû « combattre les risques à la source » et « prendre des
    mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ».


    Quelles interventions syndicales?
    Face à cette situation, nous devons sortir de l’unique détection individuelle du mal-être par les tests d’auto évaluation du « stress » faits lors des visites médicales. En effet, ces auto évaluations qui nourrissent des indicateurs de suivi présentés à des commissions plus ou moins paritaires ne font qu’enregistrer des taux de «stress».
    Il faut donc dépasser les accords de «qualité de vie au travail», qui proposent des formations à la gestion et détection du stress en général uniquement destinées au «manager».
    Alors que les entretiens d’évaluation sont souvent une source de tension et de manipulation, nous les trouvons au coeur de la prévention des RPS comme dans les accords qualité de vie au travail des groupes Thales ou Alcatel Lucent, sous prétexte d’une procédure d’échange à propos de son travail, de clarification des objectifs de l’entreprise, d’adéquation entre objectifs et charges de travail… Aussi, travaillons cette question de l’évaluation avec l’encadrement, en mettant en débat avec les salariés à la fois l’efficacité de l’organisation du travail, sa qualité et sa finalité.
    De même, nous n’utilisons pas assez le document d’évaluation des risques (DUE : code du travail R4412-10 ; R4121-1…) en nous assurant que les RPS y sont inclus. L’accès direct par les salariés aujourd’hui au contenu du DUE permet d’ouvrir le débat sur les risques et la prévention des organisations du travail, charges, qualité, «management». Pour nourrir ce débat, utilisons le rapport «Mesurer les facteurs psychosociaux de risques au travail pour les maîtriser», réalisé par le collège d’expertise sur le suivi statistique des RPS. Il a relevé six déterminants susceptibles de favoriser les risques psychosociaux: 

    1. l’intensité et le temps de travail;
    2. les exigences émotionnelles;
    3. le degré d’autonomie;
    4. les rapports sociaux;
    5. la souffrance éthique;
    6. l’insécurité des situations de travail.

    N’oublions pas non plus de rappeler les obligations de l’employeur et les principes généraux de prévention aux salariés, et plus spécifiquement leurs conséquences en termes de délégation de pouvoir à la hiérarchie.
    Il serait également intéressant de demander la négociation des droits d’expressions collectifs des salariés lors des NAO d’autant plus que le code du travail (L2281-1) le prévoit avec notamment une spécificité pour l’encadrement…
    Pour cela, appuyons-nous sur le travail de la Recherche Action de Renault ou demandons la création d’une commission sur la qualité du travail avec le contenu que préconise par exemple Y. Clot, chercheur en psychologie du travail.
    Nous retiendrons qu’il est important de noter tous les éléments témoignant du mal-être dans l’entreprise, en cas d’accident. Cela va des interventions «écrites» en CHS-CT sur la prévention des risques organisationnels en passant par les alertes DP, les demandes en CE sur les réorganisations, la coordination des actions des différentes instances DP, CHS-CT, CE,…etc
    Toutes ces actions doivent se faire en associant au mieux toutes les catégories de salariés dans la démarche syndicale, afin d’amener les directions à quitter le système de «prévention» individuelle de gestion et détection du stress, une gestion qu’ils font jouer à l’encadrement, et les conduire sur le terrain d’un management alternatif promoteur d’une prévention collective efficace du malêtre au travail.
    Nous avons une démarche et des pistes de propositions pour aller en ce sens, mettons-les en débat dans nos syndicats et avec nos collègues, passons vite au concret !

     

    Les principes généraux de prévention
    Article L4121-1 du code du travail L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
    Ces mesures comprennent :
    1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
    2° Des actions d’information et de formation ;
    3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. Article L4121-2 du code du travail


    L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
    1° Eviter les risques ;
    2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
    3° Combattre les risques à la source ;
    4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
    5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
    6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
    7° Planifi er la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’infl uence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ;
    8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
    9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs

    Risques Psychosociaux, une prévension efficace doit être collective.

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