• Quelle relance industrielle ?

    Quelle relance industrielle ?La relance industrielle est aujourd’hui unanimement affirmée comme étant un enjeu majeur pour l’avenir. Comment pourrait- il en être autrement alors que depuis le milieu des années soixante-dix, l’industrie en France a perdu 40% de ses emplois et ne représente plus aujourd’hui que 10% de notre valeur ajoutée globale.

     

    Pour autant, c’est à partir du même constat que Sarkozy a ouvert en 2010 le débat sur le soit disant déficit de compétitivité de l’industrie française en imposant sous la houlette du MEDEF une concertation ciblée sur ses propres revendications.

     La compétitivité coût, la voie de tous les dangers


    C’est ainsi qu’il a orienté les Etats Généraux de l’Industrie avec ses déclinaisons par branche et filière en privilégiant ce qu’il appelle la compétitivité- coût, c'est-à-dire une notion restrictive de la compétitivité limitée au prix du travail qu’il faudrait encore abaisser. Cette notion restrictive de compétitivité, présentée comme l’alpha et l’oméga de l’économie sert d’alibi idéologique avec toute une panoplie de mesures destinées à affaiblir durablement le prix et le droit du travail.
    L’une de ces mesures phare est le projet de contrat emploi-compétitivité qui permettrait, par la signature d’un simple accord d’entreprise, une modulation du salaire et du temps de travail de tous les salariés pour une hypothétique sauvegarde de l’emploi. Il va de soi que le déclenchement de ces processus serait du seul ressort de la direction d’entreprise concernée et avec la discussion de ses seuls arguments, dans une position de force évidente.


    Compétitivité, spécialisation et déclin industriel

     
    Quelle relance industrielle ?Depuis les années 2000 et en prolongement du traité de Lisbonne, c’est un véritable bouleversement qui s’est opéré au nom de cette même compétitivité avec l’instauration des pôles de compétitivité destinés à attirer tous les meilleurs atouts industriels sur des créneaux étroits et porteurs de perspectives de forte valeur ajoutée.
    A ces dispositifs, la recherche publique, les grandes écoles et universités sont sommées de se soumettre pour en devenir de simples supports.
    La loi d’autonomie des universités (LRU) est un pilier essentiel de ces dispositifs. Les objectifs et les critères d’orientation et de financement sont définis par de grands groupes et tournent en général autour de vecteurs de recherche appliquée, directement en lien avec des perspectives de programmes industriels réalisables et rentables à court terme.
    Ces groupes ne se privent d’ailleurs pas de solliciter les PME innovantes et d’en happer la substance utile pour leurs besoins immédiats. Il en est de même pour le crédit impôt recherche qui draine près de 5 milliards, accaparés en majeure partie par ces grands groupes qui en profitent pour se défausser des efforts de financement de recherche qu’ils seraient obligés de réaliser sur fonds propres.
    Deux phénomènes particulièrement dangereux s’en dégagent rapidement :

    • Un dévoiement de la recherche publique et des universités vers des applications rapidement exploitables industriellement avec un affaiblissement de leurs dotations de fonctionnement et une tendance accrue à courir les subventionnements privés. La loi d’autonomie des universités (LRU) est un pilier essentiel de ces dispositifs de soumission des pouvoirs publics aux intérêts immédiats des actionnaires privés, incitant de la recherche sur du court terme.
    • Un choix restrictif de créneaux industriels effectué à partir des niveaux de valeur ajoutée et de profitabilité attendus, ce qui ouvre en grand la voie à un rétrécissement de nos aires d’activités industrielles, une spécialisation accrue et des abandons d’activités quand celles-ci ne sont pas jugées suffisamment performantes. Toutes les PME qui n’entrent pas dans les critères d’association aux pôles de compétitivité sont ainsi mises en situation de fragilisation, privées du financement nécessaire et menacées de dépérissement.

    Contrairement à l’objectif affirmé, cette recomposition de notre industrie est donc facteur de resserrement de nos savoir-faire et génère un nouveau processus, encore amplifié de désertification industrielle. 

    Une absence délibérée de stratégie industrielle nationale 

    Quelle relance industrielle ?L’objectif visé en priorité est la valeur ajoutée de haut niveau, cet objectif étant soumis aux choix opérés, voire dictés par les grands groupes industriels dont l’Etat est parfois actionnaire.
    Ces critères sont destinés à alimenter la compétitivité des grands groupes, sans exigences de créations d’emplois et de réponses aux besoins sociaux. On voit également que tout ce panel de mesures et de dispositifs d’accompagnement de la démarche de « compétitivité-mise en concurrence » prive la Nation d’une véritable stratégie de développement industriel et d’équilibre inter régional, de coopération entre acteurs publics et privés, entre entreprises d’une même filière avec des rapports de partage et non d’exclusion.
    Aucune dynamique de co-développement des territoires n’est possible avec cette démarche sélective qui menace l’emploi qualifié non ciblé par les projets des groupes dominants ainsi que les services publics.
    Ce phénomène est d’autant plus ressenti depuis la crise financière de 2008 et le blocage des crédits bancaires qui s’en est suivi. Plus de cent mille emplois industriels ont à nouveau été détruits, en grande partie dans la production avec un processus de délocalisation encore renforcé. L’argent public est déjà largement injecté dans l’industrie ; ainsi, le fonds stratégique d’investissement (FSI), les fonds régionaux OSEO, le crédit impôt recherche et une implication de plus en plus forte des régions drainent des mannes considérables d’argent mais la question de l’efficacité de cet argent injecté est posée en termes d’utilisation, d’objectifs, de contrôle. Pendant 10 ans, ces dispositifs ont alimenté les secteurs d’activité profi tables ou présentant des perspectives de haut niveau de valeur ajoutée, essentiellement en support des exigences des grands groupes sur des programmes à l’exportation.
    Par contre, aucune stratégie d’ampleur nationale n’a été définie pour articuler sur du moyen et long terme une ambition de développement de nos filières industrielles en lien avec les équilibres régionaux et la réponse aux besoins économiques et sociaux du pays.
    C’est là que se situe le véritable enjeu pour une sortie du marasme industriel actuel : fonder cette grande politique industrielle sur de nouveaux critères guidés par une démarche de coopération qui rassemble et non plus une logique dévastatrice de compétition et concurrence qui isole, exclut et contribue in fine à étendre les déserts industriels.
    L’alternative à cette impasse coûteuse passe par le projet de pôle public d’investissement que réclame la CGT, avec ses déclinaisons régionales permettant de défi nir un projet et des visées économiques répondant aux besoins du pays et soumis à des critères d’attribution en termes de créations d’emplois, d’élévation des qualifications et de politiques salariales ambitieuse.


    Investir dans les salariés pour une réelle productivité


    C’est donc une relance fondée sur des critères d’utilité sociale qu’il faut privilégier afin que soit combattue la financiarisation de nos industries, facteur manifeste de notre perte de compétitivité. En fin d’année 2011, le CESE soulignait que la rémunération du travail n’est pas l’élément de décrochage de notre compétitivité. Il précisait d’ailleurs que sa part dans la valeur ajoutée est stable tandis que les dividendes versés ont doublés depuis 10 ans avec un pic entre 2006 et 2009.
    Il précisait par contre que les dividendes versés en France sont les plus élevés d’Europe alors que l’autofinancement disponible est l’un des plus faibles d’Europe. En 2011, 171 Milliards d’euros ont été consentis aux entreprises en aides multiples, sans aucune contre partie (30Md€ d’exonérations patronales).
    En 2010, les entreprises non financières ont ainsi distribué 210 MD€ en dividendes et en rachat d’actions, alors que seulement 180MD€ étaient directement investis dans les entreprises. C’est là que réside la cause réelle de notre déclin industriel, combinée aux conséquences des délocalisations menées avec le seul objectif de faire chuter le prix du travail.
    L’INSEE, dans un récent rapport, en apportait la confirmation : « Le coût de la main d’oeuvre ne constitue qu’une partie de la compétitivité-prix, qui ne constitue elle-même qu’une partie de la compétitivité d’un pays ». Les faits corroborent cette affirmation puisque le prix du travail ne représente que 10 à 12% du prix de revient d’une voiture.


    S’en prendre au coût du capital, partir des besoins sociaux


    On voit à quel point le coût du capital est dominant dans la chute de notre compétitivité industrielle. C’est donc une relance par l’emploi, les salaires et l’innovation utile aux besoins de la société qu’il faut impulser ; Une relance qui doit rompre avec les prétentions du libéralisme à tout régir tout en se libérant de toute responsabilité sociale.

    Quelle relance industrielle ?Toutes les mesures successives de réduction du prix du travail ont participé à dévaloriser les emplois industriels. La reconquête d’une industrie compétitive passe au contraire par la promotion de l’Humain en lien avec la recherche, l’innovation, les qualifications et leur reconnaissance. On le voit, ces efforts doivent intervenir avec des financements mais décidés à partir d’une politique orientée par l’Etat, déclinée en Régions et dégagée des critères de financiarisation en cours.
    Cette vision globale nécessite donc une profonde réforme des modes de gestion des grands groupes avec l’intervention des salariés dans les stratégies industrielles pour qu’elles incluent l’exigence de réponses aux besoins sociaux, aux équilibres régionaux, au respect de l’environnement et de la santé des salariés et des populations.
    Enfin, s’il est une raison majeure qui justifie pleinement le besoin et l’urgence d’une politique de réindustrialisation, c’est que l’industrie est source de gains de productivité qui entraine toutes les autres activités économiques.
    Ainsi la baisse de l’emploi industriel et de son paiement pèse sur le niveau de l’ensemble des emplois et des salaires dans tout le pays. Les emplois industriels étant en moyenne mieux payés et protégés que ceux des autres secteurs d’activités, la désindustrialisation pèse dons d’autant  plus sur tous les salaires et toutes les conventions collectives.
    La campagne que notre fédération vient de décider dès cette fi n du mois de juin entre donc à plein dans cette logique de reconquête avec une revendication d’augmentation générale de 10% sur les salaires de la métallurgie et l’établissement d’un socle de bas de grille à 1700€ pour le coefficient 140.
    Ré industrialisation, réorientation de l’argent vers l’innovation et la réponse aux besoins sociaux, réévaluation des salaires et qualifications sont autant d’axes forts de mobilisation qui regardent particulièrement nos catégories ICT et sont riches en capacité de rassemblements convergents.
    Avec la fédération CGT de la métallurgie et son UFICT, faisons de la préparation de la conférence sociale des 9 et 10 juillet un grand moment de débat et de construction revendicative pour faire entrer rapidement le changement dans le réel.

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