• Le travail ne coûte pas trop cher ! Il rapporte !

    Le travail ne coûte pas trop cher ! Il rapporte !C’est la grande marotte du MEDEF depuis quelques années : les difficultés économiques de la France seraient dues au «coût» du travail. Or le travail, s’il a un prix, ne coûte pas. Au contraire, il rapporte, car c’est le travail et rien d’autre qui crée la richesse.

    Un tas d’or entreposé dans un coffre fort n’a jamais rapporté le moindre intérêt. C’est l’investissement de ce tas d’or dans le travail des salariés qui rapporte et qui crée la richesse utile à la société.


    Le travail ne coûte pas trop cher ! Il rapporte !En revanche, une des raisons des difficultés économiques que rencontre la France est le coût du capital (remboursement d’emprunts financiers et surtout distribution de dividendes). Dans nos grands groupes industriels donnés par l’actionnariat financier, celui ci n’hésite pas à investir à coût de milliards dans le rachat de leurs propres actions pour en faire monter le cours. C’est ce coût exhorbitant qui met les entreprises dans la diffi culté puisqu’elles ne peuvent plus investir autant qu’il serait nécessaire dans l’outil de travail qui se dégrade alors. L’emploi en pâtit aussi puisque c’est l’investissement qui crée l’emploi.  C’est là et seulement là qu’intervient la perte de compétitivité réelle. On parle beaucoup de compétitivité des entreprises françaises, comparée à la celle des pays étrangers, mais la compétitivité ne se résume surtout pas au prix des salaires ! C’est évidemment l’option que pousse le MEDEF pour tirer encore plus de bénéfices du travail des salariés, mais c’est au contraire sur d’autres points qu’il faut améliorer l’organisation du travail en France.

    C’est sur la compétitivité «hors coût» que notre pays doit faire des progrès. La «montée en gamme» est souvent évoquée à juste titre : nos entreprises doivent faire un effort de formation des salariés, pour les rendre plus qualifi és et plus productifs, pour proposer des produits de meilleure qualité.


    L’exemple de la qualité des automobiles françaises comparée à la qualité des automobiles allemandes est parlant : le coût de l’heure de travail dans cette filière est de 33 € en France contre 43 € en Allemagne. Ce pays produit des voitures certes plus chères, mais qui se vendent mieux. Wolksvagen, BMW et Mercedes en sont l’illustration. L’Allemagne a aussi fait le choix de maintenir une production élevée en Allemagne (6,2 Millions par an depuis 10 ans) pour faire des économies d’échelle, alors que les constructeurs français, parce qu’ils visent par tous les moyens à réduire les coûts, construisent de moins en moins de véhicules en France (baisse de 5 Millions à 2,9 Millions de voitures par an depuis 10 ans). C’est Michel FREYSSENET, chercheur au CNRS et expert économiste du secteur automobile qui l’affirme à juste titre. Pour monter en gamme, il est donc nécessaire de mieux former plus de salariés qualifiés (Techniciens et Ingénieurs), sans oublier de payer correctement leur qualification, car c’est un élément pour l’attractivité de nos métiers. On voit ainsi que cette problématique percute de plein fouet les préoccupations, le rapport au travail et l’avenir professionnel des Ingénieurs, Cadres et Techniciens (ICT) de nos industries.


    Il faudrait par ailleurs bannir les organisations du travail pathogènes (LEAN par exemple) qui créent de la souffrance, du stress et qui dégradent la qualité des produits. Il est impossible de mener à la fois une montée en gamme et en qualité, en réduisant au maximum l’investissement dans les technologies d’avenir, dans le salaire des personnels qualifiés, et dans le matériel dédié à la conception et à la production. De nombreuses firmes en ont fait la cruelle expérience (Toyota, Renault,…), qui doivent rapatrier des milliers de véhicules pour des défauts de conception et de fabrication dûs, justement, à cette organisation néfaste du travail.
    Notre haut niveau de protection sociale, nos retraites et notre santé, quant à eux, ne sont pas non plus seulement un coût, ils sont aussi un atout pour la productivité des salariés. Grâce à notre sécurité sociale, les salariés français sont plus productifs que les salariés de presque tous les pays du monde. Un salarié en bonne santé, bien reposé, et qui bénéficie d’un système éducatif performant, et de services publics de qualité sera plus productif qu’un salarié malade, sous-payé, et qui craint pour son avenir. C’est aussi un atout pour notre compétitivité.


    On le voit clairement, la logique d’austérité qui vise à réduire les coûts en priorité est à l’opposée de ce qu’il faudrait faire pour améliorer notre compétitivité. Seule une volonté forte passant par de l’investissement dans le matériel, les technologies, notre protection sociale, notre formation et nos salaires peut atteindre cet objectif. La volonté des actionnaires de tirer le plus possible de dividendes de nos entreprises est par ailleurs un frein à la compétitivité. Preuve en est : le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) est créateur net d’emplois depuis 10 ans. Ce sont 500 000 postes qui ont été créés dans la période. Et ce secteur ne recouvre pas seulement des associations ou des SCOPs (Société Coopérative Ouvrière de Production), des entreprises industrielles en font aussi partie.
     

    Mais ce qui les distingue des autres formes d’entreprises plus tournées vers les actionnaires, ce sont les bénéfices qui sont répartis de façon plus juste entre les propriétaires de l’outil de travail et les salariés. Un entrepreneur d’une telle firme expliquait récemment que jamais il ne pourrait survivre s’il devait verser 10 % de la valeur ajoutée en dividendes aux actionnaires. C’est donc au niveau du coût du capital que le bât blesse, et que la compétitivité de nos entreprises pourrait être améliorée. Malgré l’offensive massive du MEDEF sur ces questions, on peut constater que les choses bougent dans le bon sens. Si le MEDEF utilise autant qu’il peut les grands médias qui lui sont dévoués, ainsi que tout une ribambelle de soit disant experts (de moins en moins nombreux d’ailleurs) venant prêcher leur catéchisme néolibéral dans ces mêmes médias, la profondeur de la crise oblige une prise de conscience générale. Même le très libéral OCDE fi nit par mettre en doute le dogme de l’austérité, de la baisse des coûts et de la réduction des droits sociaux dans nos pays occidentaux. Un récent rapport parlementaire sur «Les coûts de production en France» (animé par le député Goldberg, disponible sur le site Internet de l’Assemblée Nationale) paru le 28 mars 2013 résume d’ailleurs tous ces points. Suite à l’audition de nombreux acteurs (économistes, patrons, syndicalistes, experts,…), tous ces sujets ont été évoqués, et on ne peut que se féliciter de voir apparaître de plus en plus clairement le caractère prépondérant du coût du capital dans la perte de compétitivité de nos entreprises françaises. C’est un tabou qui commence à céder.


    Pourtant, si les choses bougent dans les têtes, y compris celles des décideurs, on peut regretter que ce mouvement se fasse trop lentement. Pour accentuer le rapport de forces en faveur de la défense de l’industrie, de nos conditions de travail, de nos salaires et de notre protection sociale, beaucoup de travail nous incombe encore.
    Autour de nous, entre collègues de travail mettons ces sujets en débat, affûtons nos arguments. Car nous, Ingénieurs, Cadres et Techniciens, sommes les mieux à même de défendre notre outil de travail, proposer des solutions industrielles économiquement utiles et viables. Nous sommes, aussi, les mieux à même pour proposer des organisations du travail à la fois effi caces et préservatrices de la santé des salariés.

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