• Vers un service public de l’emploi offrant une prise en charge globale des demandeurs d’emploi …

    Vers un service public de l’emploi offrant une prise en charge globale des demandeurs d’emploi …« Vers un service public de l’emploi offrant une prise en charge globale des demandeurs d’emploi … » : lorsque les responsables de « la fusion pour les nuls » m’ont sollicité, je me suis immédiatement souvenu de ce texte (cf. ci-joint) du « Plan intérimaire 1982-1983 ». 

     
    La Gauche arrivée au pouvoir en mai 1981 s’était empressée de mettre au panier le VIIème Plan nouvellement voté. En attendant le VIIIème Plan à venir, un autre texte, « intérimaire », avait été élaboré pour les deux années à venir. Il vient donc de passer le cap des trente années.

     Ce texte définissait la feuille de route de la politique que la gauche entendait mettre en œuvre. Chargé de mission au service des affaires sociales du Plan, j’ai, en particulier, rédigé ce passage concernant le service public de l’emploi.

    Pourquoi vouloir revenir sur ce texte largement oublié ? C’est qu’à le relire, il me paraît aujourd’hui encore d’une totale actualité. C’est aussi que sa relecture me rappelle qu’il constituait un bon condensé de ce qu’était la pensée de ceux qui étaient alors des acteurs essentiels de la politique de l’emploi, -en le relisant, je pense évidemment à G. Vanderpotte, M. Praderie et B. Mériaux-, qui nous ont quittés depuis et restent, je crois, des références aujourd’hui encore respectées. C’est, enfin, que, par son contenu, il offre un contrepoint utile à l’opération fusion qui est à l’origine de Pôle emploi.

    C’est pourquoi je voudrais pour ma part défendre la nécessité d’un rapprochement intime entre les deux entités essentielles que sont (étaient ?) l’ANPE et l’UNEDIC, et même de regretter qu’elle n’aille pas jusqu’à véritablement intégrer la formation des demandeurs d’emploi, qui en est un complément à mes yeux indispensable. Vers un service public de l’emploi offrant une prise en charge globale des demandeurs d’emploi …
    Il y a à cela une raison simple, dont je crois qu’elle est à soi seule suffisante : je n’ai en effet jamais compris que l’on puisse se satisfaire de ce que les demandeurs d’emploi soient contraints à une course d’obstacles entre des institutions éclatées, aux exigences souvent divergentes, qui condamnent, en dépit des rapprochements, à refaire sans cesse des démarches dont on aurait pu faire l’économie. Ayant activement contribué en son temps –déjà lointain- à la suppression du pointage physique et à la mise en place du « pointage postal », ayant eu en tant que directeur des études et de la statistique de l’agence à gérer la convention avec l’UNEDIC qui mettait ses plateformes informatiques à notre disposition, je sais tous les efforts qui ont été faits pour ce rapprochement ; mais je n’en ai que trop éprouvé les limites pour ne pas savoir qu’il est nécessaire d’aller plus loin.
    Il ne s’agit pas de nier l’histoire ; nous savons tous les différences de fond qui existent à cet égard entre l’UNEDIC, association loi de 1901, paritaire et issue en 1958 d’un accord interprofessionnel et l’ANPE, établissement public créé en 1967. Il s’agit encore moins de confondre les missions et les identités professionnelles qui s’établissent sur elles. Il faut redire clairement ici que l’indemnisation diffère de l’accueil-accompagnement-placement qui est de la mission de l’ANPE. Mais ces « deux mains », pour assurément devoir être et rester distinctes et ne pas être confondues, doivent-elles pour autant appartenir à des corps différents ?
    A tout le moins, à l’époque nous avions fait un choix clair et notre « modèle » revendiqué était l’exemple fourni par le Bundesanstalt für Arbeit allemand.

    Je crois donc, aujourd’hui comme hier, que l’hypothèse d’une fusion n’est pas à rejeter a priori. Il m’est d’ailleurs arrivé de dire clairement à certains responsables syndicaux de l’Agence que le mot d’ordre de refus de la fusion qu’ils avaient choisi serait totalement inaudible à l’extérieur.

    Reconnaître l’intérêt, voire la nécessité, d’UNE fusion est-ce pour autant se vouer à accepter CETTE fusion ?
    Bien sûr que non, et il suffit de lire le texte du Plan intérimaire pour voir immédiatement toute la distance qui sépare ce qu’il s’agit de construire, de ce qui a été imposé au forceps. Un « service public unifié de l’emploi », une « prise en charge globale », disposant « d’un système permanent d’aides diversifiées à l’insertion, à la formation des demandeurs d’emploi et au placement », enfin ces transformations « requerront un sensible accroissement des moyens financiers » … Est-ce cela qui a été fait ?

    Rien de tout cela, bien sûr, dans cette fusion, pour une raison majeure : elle n’a nullement été guidée par le motif allégué : un meilleur service pour les demandeurs d’emploi. Elle a été tout entière imprégnée d’une obsession de l’économie des moyens et de la mise à mal du service public.
    Economie, d’abord, de personnels promis à une « polyvalence » qui n’est que confusion et négation des missions et des identités professionnelles. Elle a débouché sur une dématérialisation excessive et l’évanescence des rapports « physiques » avec les demandeurs d’emploi, pour qui l’interlocuteur le plus fréquent est une plateforme téléphonique ou un site Internet. Economie, ensuite, des prestations de plus en plus externalisées et placées, de fait, hors du regard du prescripteur.
    A cela, enfin, s’est ajoutée la fin, trop souvent passée sous silence, du monopole de placement, disparu avec la loi Borloo. Cette disparition permet aux officines de placement payant de prendre une place de plus en plus importante et d’écrémer les offres d’emploi, ne laissant à Pôle emploi que les offres les moins attractives et les situations les plus difficiles. Cela tend à le pousser vers une mission, qui historiquement est -et devrait demeurer- celle des travailleurs sociaux. Cette évolution est d’ailleurs renforcée par la mise en place du RSA, dont c’est, à mes yeux, l’objectif même.
    Dans ces dérives on retrouve, sous une forme certes spécifique, la mécanique délétère qui est par ailleurs à l’œuvre avec l’hôpital, soumis d’un côté à la concurrence des cliniques à travers la TAA et la « convergence tarifaire », et se trouvant, de l’autre, sous la pression de l’afflux croissant aux urgences.

    Face à cela, que faire ? Selon moi, ne pas refuser la fusion, mais en proposer une vision alternative : vouloir le service public. Pour cela, un principe simple et incontestable doit guider notre démarche, l’organiser autour de ceux qui sont sa raison d’être : les demandeurs d‘emploi. Il en découle trois conséquences essentielles.


    Vers un service public de l’emploi offrant une prise en charge globale des demandeurs d’emploi …D’abord, pouvoir offrir aux chômeurs ce qu’ils demandent : un emploi. Pour cela, il faut rompre avec la rupture du néo-libéralisme, il faut redonner au service public le monopole du placement et supprimer toute possibilité de placement payant. C’est la condition nécessaire pour que l’ensemble des offres d’emplois, et pas seulement les plus difficiles, soit en portefeuille. Ensuite, leur offrir les occasions d’un vrai contact physique et donc d’une écoute réelle, autant que faire se peut avec un interlocuteur unique et permanent, leur permettant, selon les moments de leur cursus, de se raconter, de se projeter et de se reconstruire. Pour cela, pas beaucoup d’hésitation : il faut des moyens notablement accrus en personnel.
    Enfin, s’agissant des prestations, -qu’elles soient de bilan, ou de formation-, la volumétrie imposée par le chômage de masse (4.5 millions de personnes devant réaliser un acte positif de recherche), comme par sa récurrence (de l’ordre de 550.000 entrées mensuelles) empêchent le « sur-mesure » et rendent nécessaire un outillage « prêt-à-porter ». Personnellement, je ne crois pas au « contrat unique » aujourd’hui en vigueur. Il faut absolument mettre de nouveau au point une « boite à outils » diversifiée, dans laquelle les agents pourront puiser pour proposer à chacun un parcours personnalisé en fonction de son histoire, de son projet et de ses besoins. J’ai, à cet égard, -mais c’était il y a un quart de siècle-, beaucoup plaidé pour les « stages modulaires ».
    Et puis il y a l’essentiel de ce que le statut de chômeur était supposé apporter. Depuis son origine et par sa définition même, le statut de chômeur suppose et requiert une recherche active de l’emploi, mais il offre aussi une liberté, et elle en est constitutive : celle pour le chômeur de n’accepter d’emplois que ceux qui lui permettent d’assurer son autonomie, celle donc de pouvoir refuser tous ceux qui feraient de lui un salarié déclassé et un travailleur pauvre. Pour cela la permanence d’un niveau minimum de ressources est indispensable. L’indemnisation du chômage est évidemment un volet essentiel. Comment de ce point de vue pouvoir considérer comme satisfaisante la situation actuelle, qui voit moins de la moitié des demandeurs pris en charge, dont seulement 43% par le RAC ?

    Là encore la question des ressources et de leur financement est centrale. Pour égaler le Danemark, modèle supposé exemplaire en ce domaine et tant de fois ressassé, il nous faudrait consacrer deux fois plus à la dépense pour l’emploi !

    Dans le moment d’échéances électorales très importantes où nous sommes, et alors que le chômage de masse comme la précarité risquent fort de s’aggraver, les programmes en présence n’examinent que de façon très peu précise la politique de médiation sur le marché de l’emploi et les moyens qu’il faudrait lui accorder. A l’instar du travail commun que réalisent actuellement les syndicats du secteur financier autour de la notion de pôle financier public, une plateforme la définissant et adressée aux candidats serait donc particulièrement utile. Qui mieux que les agents de Pôle emploi pourrait s’en emparer ?

    Jacques Rigaudiat, économiste, Fondation Copernic.

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