• La gratuité enjeu d’une autre société

    La gratuité enjeu d’une autre société« Tout se paie » affirment les économistes libéraux. L’enseignement distille cette vision qui exclut tout désintéressement dans les rapports humains. Pourtant, le rôle central de l’argent dans nos sociétés relève en grande partie de l’idéologie, et non d’un débat « réaliste » sur l’efficacité en économie.

     

    « Dans la vie rien n’est gratuit ». Cet adage, qui semble l’expression du bon sens, reflète en réalité la pensée économique dominante. Distillé par des théoriciens à la mode et des manuels d’écoles, il participe à une vision sociale où tout est forcément marchand. D’où vient cette idée qui opère un amalgame entre les notions de coût, de prix et valeur pour faciliter l’extension du marché au détriment des biens publics et communs ?
    La gratuité enjeu d’une autre sociétéL’expression : « un repas gratuit ça n’existe pas » existe depuis très longtemps, pourtant on le sait au 19e siècle, les « saloons » américains proposaient des repas gratuits, les clients n’ayant qu’à payer les boissons les accompagnants. Ce leitmotiv « il n’existe pas de repas gratuit » est devenue le point d’orgue de la théorie du choix rationnel.
    Quand les individus ou les sociétés veulent obtenir quelque chose, la quantité par définition limitée des ressources les oblige à renoncer à autre chose. Selon cette théorie, dans une « économie de marché idéale », chaque chose a un prix et qui veut l’obtenir doit le payer. Il ne s’agit pas ici de morale mais de logique. Fixé par la loi de l’offre et la demande, le prix d’un bien détermine et reflète l’efficacité économique. Toute autre situation révèle un « défaillance du marché », un problème à régler, et pas une réalité dont on doit s’accommoder.
    Prenons l’e cas des « biens publics », dont l’exemple peut-être le phare qui oriente les bateaux le long des côtes. La lumière qu’il diffuse est gratuite. Il serait d’ailleurs difficile d’imaginer un système de paiement à la charge des navigateurs qui, par définition, ne font que passer et partent sans laisser de traces. Pour les économistes dominats, cette situation est problématique. En effet, si la construction des phares avait été confiée au marché, il n’en existerait aucun.
    C’est grâce à l’intervention des pouvoirs publics, qui se sont dotés des ressources nécessaires grâce à l’impôt, qu’ils ont été érigés. Et le raisonnement peut s’étendre. Finalement, la lumière des villes est un bien public, au même titre que l’air propre, le savoir ou les océans, l’eau ou l’énergie….
    Pour certains économistes, la propriété privée a précisément pour origine la nécessité de régler le « problème » des biens publics.
    C’est-à-dire de trouver le moyen d’imposer un prix à l’utilisateur d’un bien. Ainsi, on pourrait penser que les routes doivent logiquement avoir un statut public. Eh bien, on imagine les péages, solution capitaliste inspirée des octrois du moyen-âge.
    Le même principe vaut pour la TVA, inspirée de l’impôt seigneurial « la taille », ou de « la gabelle », cet impôt sur le sel servant à la conservation des aliments du temps des seigneurs, époque où existait aussi « la dîme » impôt prélevé par l’Église pour assurer les services liturgiques et séculiers (baptême, mariage, extrême onction).
    Le principe vaut aussi pour le savoir : sa privatisation est-elle difficile ? Serait-elle néfaste ? Qu’à cela ne tienne ! On invente les droits de propriété intellectuelle.
    Pour l’économie dominante, la gratuité est une pathologie qui découle de contraintes naturelles ou techniques, c’est une exception à la bonne règle. Celui qui veut acquérir un bien ou en jouir doit en payer le prix, et peu importe que l’argent devienne la condition d’accès à tout. Peu importe également les biens qui, par nature ou par fonction sociale, ne doivent pas avoir de prix, comme la santé ou l’éducation.
    La logique marchande ne devrait pas s’étendre à tout. Il existe des choses ou des êtres dont le respect est plus important que la recherche de la prétendue efficacité économique ? C’est le cas des personnes et des organes humains. D’autres bien pourraient avoir un prix mais n’en ont pas parce que leur valeur résulte de leur utilisation partagée ou la nécessité l’exige, telle les places publiques, un verre d’eau, ou le médecin qui a le devoir de prêter assistance…..
    Finalement, le choix de ce qui doit, ou ne doit pas, être objet d’une transaction marchande relève avant tout de l’éthique. Le marché repose sur des normes historiquement construites et incrustées dans la culture qui sont appelées à évoluer. S’il existe des « lois » en économie, elles sont créées par les êtres humains. Elles ne découlent pas de la nature. Nous pouvons donc les modifier.

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