• Bonne et Heureuse Année 2015

     


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  • Dire non à l’austéritéFrançois Hollande a réussi une performance : nous n’attendions pas grand-chose de sa politique, il arrive à nous décevoir. Profondément. Nous voulions chasser Nicolas Sarkozy, et voici les grandes lignes de sa politique qui continuent. La règle d’or de l’austérité, l’insécurité et la violence sociale perdurent.

    Avec Mitterrand, il y eut le tournant libéral de la rigueur, mais la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures, la retraite à 60 ans, les lois Auroux, le RMI plus tard…

    Sous Jospin, il y eut plus de privatisations qu’avec Juppé et Balladur réunis, mais les 35 heures, la CMU, le Pacs et des régularisations de sans-papiers.

    Avec Hollande, rien. Le mariage pour tous ? Tant mieux. Des gouvernements conservateurs l’ont légalisé aussi.

    Depuis deux ans et demi, les catégories populaires n’ont rien obtenu, sauf ce chômage général, qui s’allonge, qui « fout en vrac », qui brise l’avenir. Rien comme revenus supplémentaires : les hausses du Smic valent des Carambars, les hausses des petites retraites, trois paquets de spéculoos. Comme sous la droite, les chômeurs sont culpabilisés et suspects d’être sans emploi, alors que Pôle Emploi n’offre que des métiers déqualifiés, des bas salaires, des temps partiels sous-payés, qu’il faut accepter à moins d’être radié. Mais que peut-on attendre d’un gouvernement qui est ovationné à l’université d’été du Medef ?

    Se loger coûte autant, les charges augmentent, mais Valls a vidé de toute efficacité l’encadrement des loyers prévu par la loi Duflot. Dans les quartiers populaires, faute de budgets sociaux, les plafonds fuient et se fissurent, parfois les balcons s’effondrent, les ascenseurs sont souvent hors service. Comme sous Sarkozy, les inégalités sociales et territoriales se creusent. Et la transition écologique, impératif environnemental et source de relance économique, reste un mirage. Aucune stratégie industrielle permettant la reconquête de l’activité et de l’emploi n’est à l’œuvre. Rien non plus pour les jeunes qui devaient être, disait le candidat Hollande, la priorité du quinquennat. Quant à l’ambition écologique, la compression des dépenses publiques et l’allégeance au monde de la finance la réduisent à peau de chagrin.

    Il faut, répète-t-on en boucle au sommet de l’Etat, réduire la dette publique, comprimer les dépenses. Le gouvernement qui produit tant de misères invisibles, tant de galères, n’y parvient en rien, à force de multiplier les avantages aux grandes entreprises.

    Un si petit monde décide au mépris de la démocratie, dans le cadre d’une Ve République exsangue. Ceux qui imposent cette politique ne se représentent pas une seconde la réalité des milieux populaires. Comment le pourraient-ils ? La distance sociale est trop grande. Issus des beaux quartiers, brillants sujets d’HEC, de l’ENA, de Sciences-Po, devenus business schools, ils appliquent les patterns et savoir-faire du privé intériorisés mieux que leurs condisciples. Leurs carrières les font circuler entre haute fonction dans l’Etat et haute fonction dans les entreprises du CAC 40.

    Cette nouvelle noblesse libérale d’Etat ne fréquente, ne connaît, ne voit, ni ouvriers, ni employés, ni techniciens, ni chômeurs… Ils voient des comptes (à « restaurer »), l’impératif d’y parvenir pour se « placer » dans la concurrence qui parmi eux fait rage.

    Quant à l’austérité, ce sont des vies empêchées, des millions de vies passées sous la menace : de perdre son boulot, d’être expulsé, surendetté, de ne plus boucler le mois, de ne pas réparer sa voiture, payer les transports, le gaz, l’électricité, pour se chauffer. Et, qui le dit, qui le sait, de ne pas « avoir de quoi » faire manger correctement ses enfants, si bien qu’ils n’ont qu’un vrai repas par jour : à la cantine scolaire. Ceux qui résistent ? Les CRS. Les syndicalistes qui se battent ? L’amnistie leur est refusée. Les sans-papiers surexploités et sans droits ? Expulsés comme sous Guéant. Le droit de vote des immigrés ? Aux oubliettes. Avec certains ministres ou ex-ministres, nous faisions campagne en 2010 pour sauver la retraite à 60 ans. Avec François Hollande, là comme ailleurs, la plupart des régressions sarkozystes ne sont pas abrogées. Hier, qu’était-ce que la gauche ? Partager pour l’égalité. Eriger des droits et des protections sociales, des libertés publiques, corriger les méfaits du capitalisme, rejeter cette civilisation du « renard libre dans le poulailler libre ».

    Depuis 2012, Hollande a enrichi les riches et appauvri les pauvres. L’austérité n’est pas pour tout le monde : 40 milliards de dividendes versés aux actionnaires en 2013, 5% de plus qu’en 2012. Après les milliards donnés sans contreparties aux grandes entreprises avec le « pacte de compétitivité », le nouveau budget va plus loin. Financer les cadeaux aux entreprises, suppose de prendre l’argent quelque part. C’est sur la majorité de la population que vont peser les 21 milliards d’économies annoncés : 9,6 milliards en moins pour la Sécurité sociale, 7,7 milliards en moins dans les services publics et 3,7 pour réduire l’action des collectivités locales.

    Traduction : de nouvelles suppressions de postes, salaires bloqués dans la fonction publique, des services publics dégradés, des coupes supplémentaires dans l’assurance maladie (notamment dans les hôpitaux)… Les collectivités locales ne pourront faire face à leurs dépenses alors que l’Etat leur a transféré de nouvelles attributions sociales et éducatives.

    Nous avons honte d’avoir voté Hollande. Il fustigeait « la finance », invisible ennemi. Avec Emmanuel Macron, Jean-Pierre Jouyet, Laurence Boone, des banquiers dictent sa politique économique. Refuser ces choix est un préalable pour construire une alternative émancipatrice. Nous sommes convaincus que l’austérité appartient au vieux monde et qu’une politique fondée sur le partage des richesses, la démocratie véritable et la transition écologique apporterait un mieux vivre pour les « 99% » que nous sommes.

    Comme les Québécois contestant la privatisation des universités, nous porterons désormais un carré de feutrine rouge à nos boutonnières, sur nos sacs, nos vélos, à nos fenêtres. Nous avons manifesté le 15 novembre à l’appel du collectif AAA (Alternatives à l’austérité). Nous appelons celles et ceux qui refusent l’austérité à mettre des carrés rouges partout. Cela dira notre nombre. Cela dira : carton rouge à l’austérité.


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  • Loi Macron Du sur-mesure pour la finance !Le contexte national est marqué par une accélération de la fuite en avant libérale. Dans notre pays comme partout dans le monde, la crise causée par les choix des politiques menées au service du capital et de la financiarisation de l’économie est utilisée pour faire reculer les droits et garanties collectives des salariés.

    En France, le MEDEF contourne désormais la négociation et tient directement la plume pour écrire la loi. Le projet de loi pour « l’activité et la croissance », présenté par le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel MACRON en est un bon exemple.

    Ce projet de loi, dont le champ est extrêmement large, consiste à inverser l’ordre des priorités : c’est maintenant le travail qui est au service de l’économie et plus l’inverse. L’économie, comme l’ensemble des enjeux sociaux liés au monde du travail, aux problèmes écologiques et sociétaux ne doivent viser qu’un objectif : la réponse aux besoins des salariés et des citoyens. Ce type de mesures, déjà mises en place dans de nombreux pays européens, n’ont jamais ni permis de créer des emplois ni de retrouver la croissance. Le gouvernement, sous-couvert de lutte contre les corporatismes, s’attaque aux protections et régulations collectives dont bénéficient les salariés et les citoyens, pour les mettre en concurrence et dérèglementer.

    Au-delà de la remise en cause des professions réglementées, les régressions sociales ressortant de ce projet de loi sont notamment les suivantes :
    -  La libéralisation du travail du dimanche et de nuit se fera au détriment des créations d’emploi et du niveau de salaire, avec des remises en cause de la majoration du travail du dimanche et de nuit.
    -  La libéralisation du transport de voyageurs en bus entre en contradiction explicite avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur lesquels la France s’est engagée. Après les autoroutes, les aéroports, encore une fois, on privatise les bénéfices.
    -  La sécurisation des employeurs continue, sous couvert de simplification, avec une réforme annoncée par voie d’ordonnance de l’inspection du travail et de la médecine du travail et une nouvelle sécurisation des licenciements pour empêcher l’annulation des PSE sans motivation économique.
    -  La remise en cause des conseils de prud’hommes avec notamment la mise en place de juges professionnels au détriment de juges prud’hommes, l’instauration d’un arsenal disciplinaire à caractère antisyndical…

    Ces nouvelles attaques sont graves pour le monde du travail.

    La CGT mettra tout en œuvre pour les combattre.

    L’enjeu du syndicalisme est de démontrer la nocivité de l’austérité et de mettre en avant des solutions de sortie de crise. Pour la CGT, le meilleur moyen de résister et de mettre en échec les mesures régressives, c’est d’ouvrir des perspectives aux salariés à partir de leurs revendications sur les questions de salaires, d’emplois, de conditions de travail, de protection sociale et de service public.

    Dernière minute : aujourd’hui, le Conseil Supérieur de la Prud’homie s’est réuni avec à son ordre du jour le volet de la Loi MACRON sur la Justice Prud’homale. La quasi-totalité des organisations syndicales de salariés et d’employeurs ont émis un avis défavorable à l’instauration du Juge Professionnel et contre les mesures disciplinaires. C’est une première victoire !!!


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  • La CGT se félicite de l’adoption par le CESE d’un avis sur la mixité des métiersLa section Travail du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), présidée par la CGT, a adopté, ce jour, un avis, sur saisine du Premier ministre, « Agir pour la mixité des métiers ». La CGT, qui a voté pour, se félicite de son adoption à l’unanimité, moins 5 abstentions, par les membres du CESE.

    Alors que seuls 17 % des métiers peuvent être considérés comme mixtes*, l’avis du CESE fait de la mixité « une étape supplémentaire dans la politique d’égalité professionnelle ». Il constate une forte asymétrie : d’un côté des métiers à dominante masculine qui restent difficilement accessibles aux femmes, qui rencontrent dès l’étape de formation professionnelle des obstacles considérables sur leur parcours ; de l’autre, des métiers à dominante féminine qui n’attirent pas les hommes, car ils « sont peu valorisés, faiblement rémunérés, et parfois voués au sous-emploi et au temps partiel ».

    Le CESE fait 4 grandes propositions :
    - Déconstruire les stéréotypes sexistes sur les métiers à l’école et dans l’emploi
    - Une action volontariste des branches dans les négociations quinquennales sur les classifications pour revaloriser les métiers à prédominance féminine, lutter contre le temps partiel, agir pour la mixité… Le CESE recommande la mise en place d’incitations publiques.


    - Une action volontariste de l’État en appliquant le principe « à travail de valeur égale, salaire égal », et la revalorisation des métiers à prédominance féminine dans la fonction publique
    - Promouvoir la mixité par la négociation et l’information-consultation dans l’entreprise. Cela nécessité notamment de faire de la mixité un levier pour l’amélioration des conditions de travail, de lutter contre les discriminations qui pèsent sur la carrière des femmes et de négocier sur l’articulation des temps.

    Par cet avis, le CESE démontre l’enjeu pour la société toute entière de renforcer la mixité au travail. Le CESE pointe les leviers concrets, et démontre que la mixité des métiers ne repose pas seulement sur la lutte contre les stéréotypes mais nécessite une revalorisation des métiers à prédominance féminine, des mesures pour lutter contre la discrimination durant les carrières ou encore une amélioration des conditions de travail.

    Le consensus obtenu au CESE doit se traduire à tous les niveaux. Le blocage opéré par le patronat doit cesser, et des négociations doivent s’ouvrir à tous les niveaux pour permettre l’égalité entre les femmes et les hommes et la mixité des métiers. La CGT interpelle également le gouvernement qui, après avoir saisi le CESE, doit se donner les moyens de faire appliquer ces propositions.

    La CGT continuera de porter dans toutes les négociations dans les branches, et dans les entreprises l’égalité professionnelle et la mixité des emplois.


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  • Femmes-hommes : l’égalité réelle, c’est pas gagné !Adoptée le 23 juillet, la loi « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » aborde de nombreux sujets mais les moyens pour sa mise en œuvre restent flous, voire absents.

    Congé parental : l’égalité sert de prétexte à des économies

    Pour favoriser l’implication des pères, le congé parental est réduit de 6 mois, les 6 mois complémentaires pouvant être pris à condition que ce soit par le 2e parent. Or seulement 2 % des pères prennent des congés parentaux, et il est peu probable que cela change puisqu’en terme d’égalité des salaires et carrières, les choses n’avancent que très lentement. Dans les faits, la mesure revient donc à diminuer de 6 mois le droit au congé parental... et les allocations qui vont avec.

    IVG : au-delà du symbole, pas plus de moyens

    La suppression de la notion de situation de détresse est un pas en avant ; l’avortement est ainsi un droit qui ne nécessite pas de justification. L’UMP s’est d’ailleurs abstenue sur le texte à cause de cela et a saisi le Conseil constitutionnel. Mais pour que l’avortement soit réellement un droit pour toutes, il faut des moyens pour rouvrir les 130 centres IVG qui ont fermé en 10 ans et pour assurer réellement la gratuité de l’IVG.

    Pensions alimentaires : un dispositif expérimental et limité

    40 % des mères ne touchent pas la pension alimentaire due par le père ou de façon irrégulière. La loi prévoit que la pension soit prise en charge par la CAF mais de façon expérimentale pour 18 mois. De plus, d’après les dires de Najat Vallaud-Belkacem lors des débats à l’assemblée, cette pension sera équivalente à l’allocation de soutien familial, c’est-à-dire 90 euros, revalorisée à 120 euros en 2017.

    Violences faites aux femmes : des mesures sans moyens

    La loi prévoit l’obligation pour le conjoint violent de résider hors du domicile du couple mais seulement lorsque la condamnation est devenue définitive. Or c’est bien avant que les femmes ont besoin de moyens, notamment d’accéder à des hébergements d’urgence. Mais là non plus, pas de moyens spécifiques en ces temps d’austérité. Dans les faits les femmes victimes de violences seront donc toujours matériellement à la merci de leur (ex-)conjoint.

    Pour ce qui est du harcèlement, cette notion fait son entrée dans le code de la défense qui régit l’armée. Mais pour le reste, en particulier au travail, on ne peut pas dire qu’il y ait d’avancée réelle.

    Femmes étrangères : plus qu’insuffisant
    Le refus de délivrer le titre de séjour ne pourra plus être motivé par la rupture de la vie commune et les demandeuses seront exonérées de certaines taxes dues pour le renouvellement de leur titre. C’est plus qu’insuffisant : les femmes étrangères victimes de violences doivent bénéficier d’un titre de séjour automatique et d’aides leur permettant de vivre indépendamment de leur ex-conjoint. Mais cela demande encore des moyens, que le gouvernement n’est pas prêt à mettre.

    À tout cela, s’ajoutent quelques mesures sur la parité en politique, dans les entreprises, les clubs sportifs ou les établissements publics ainsi qu’une veille du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour « une juste représentation des femmes et des hommes » et la lutte contre les stéréotypes et les préjugés sexistes.

    Au final, de nombreuses mesures symboliques mais sans moyens ni financiers ni coercitifs et qui n’auront donc probablement que peu d’impact. On est bien loin du compte pour une vraie politique en faveur de l’égalité femmes-hommes.

    Elsa Collonges


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  • Comment changer le monde si nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes ? Les défis de la gauche anticapitaliste européenneComment expliquer la faiblesse des gauches anticapitalistes ces cinq dernières années ? Alors que la situation objective est propice à un embrasement politique, qu'un espace s'est ouvert pour un réformisme radical et que des insurrections ont éclaté à travers le monde, l'échec relatif du NPA en France, d'Antarsya en Grèce et du SWP en Grande-Bretagne apparait comme un paradoxe.

    Dans cet article, Panagiotis Sotiris, lui-même membre dirigeant d'Antarsya, propose une analyse des causes profondes de cette incapacité et en appelle à un renouvellement théorique, stratégique et politique. L'anticapitalisme ne peut s'en tenir à dénoncer les trahisons des directions confédérales et à surenchérir sur les revendications syndicales (concernant les salaires, les licenciements, etc.). Il faut produire des programmes transitoires, poser la question du pouvoir et de l'hégémonie, transformer le parti en laboratoire à même de faire naître des “nouvelles formes d’intellectualité de masse, à la fois critiques et investies dans la lutte politique”. 

    La gauche anticapitaliste européenne est en crise. De la crise du SWP en Grande-Bretagne à l’implosion du NPA, jusqu’à la fragmentation de l’aile gauche de Rifondazione Comunista en Italie en passant par l’incapacité d’Antarsya (Grèce) à élargir son audience malgré les récents bouleversements qui marquent aujourd’hui la société grecque, la plupart des tendances qui se réclament d’une critique révolutionnaire du réformisme socialiste et communiste et qui s’inscrivent  dans la filiation de Mai 1968, sont aujourd’hui en crise politique profonde.

    Cela se produit en net contraste avec une période précédente,  débutant dès la seconde moitié des années 1990,  durant laquelle la gauche anticapitaliste joua un rôle plus qu’utile dans l’altermondialisme grandissant, constitua une avant-garde dans diverses luttes de premier plan au niveau national, servit de catalyseur dans la formation d’initiatives plus larges et, dans certains cas, fut le  cadre de poussées électorales marquantes.

    Ce qui reste le plus impressionnant, c’est que cette crise de la gauche anticapitaliste coïncide avec une période qui est, à la fois, le théâtre d’une crise systémique du capitalisme et d’un impressionnant retour des mouvements de masse.

    En ce sens, le schéma récemment proposé par Alex Callinicos qui consiste à dire que les belles heures de la gauche anticapitaliste se sont déroulées entre 1998 et 2005 – de la poussée électorale de la gauche anticapitaliste française (et du mouvement altermondialiste) jusqu’au rejet du traité européen –, aussi juste soit cette proposition de  schéma en termes de chronologie d’une certaine forme de politique anticapitaliste des années 2000, elle ne manque pas non plus de passer à côté de la présente conjoncture et de sa dynamique.

    Quelles meilleures conditions pourrions-nous espérer que celles que nous rencontrons aujourd’hui, au-delà de nos problèmes, de nos crises et de nos limites ?

    De réels craquements dans l’hégémonie libérale, une crise ouverte de l'intégration européenne, c'est-à-dire de la principale stratégie menée par les capitalistes européens dans les cinquante dernières années, des sociétés entières bousculant leurs certitudes, un retour des manifestations de masse et des mobilisations qui, dans certains cas, prennent des accents insurrectionnels, la volonté de démocratie, de souveraineté populaire et de réappropriation de l’espace public, une  méfiance grandissante à l’égard des politiciens et un rapport de forces à l’échelle internationale qui vient non seulement contredire l’omnipotence américaine mais qui offre également des points de repère pour résister de Gaza à Kobané.

    Évidemment, il ne s’agit pas de sous-estimer d’autres éléments de la conjoncture tels que la face hideuse du fascisme et la montée de l’extrême droite. Cependant, cela s’avère aussi être l’expression d’une crise politique plus profonde encore, et de l’incapacité de la gauche radicale et anticapitaliste à servir de débouché, progressiste et émancipateur, au rejet populaire des partis parlementaires et de la politique institutionnelle.

    Le principal défi réside donc ici : pourquoi sommes-nous en position de crise ? Pourquoi, par exemple, c’est bien Syriza – et l’impressionnant  tournant droitier de sa direction – qui constitue aujourd’hui le meilleur exemple d’une politique de gauche en Europe ?

    Je crois que la raison principale de nos problèmes a quelque chose à voir avec les limites de la gauche anticapitaliste depuis les années 1990. La gauche anticapitaliste consistait essentiellement en une force de résistance,  de soutien aux mouvements et de défense idéologique du socialisme et de la révolution. Elle pouvait s’avérer utile dans l’organisation des mouvements antilibéraux et était à même de recruter de nouveaux membres notamment parmi les franges radicales des  mouvements. Cependant, elle n’avait pas de réelle stratégie.

    Les questions du pouvoir, de l’hégémonie et de la stratégie révolutionnaire ont été laissées sans réponse, malgré l’invitation de Daniel Bensaïd à rouvrir le débat sur la question stratégique.

    La distance entre la tactique au jour le jour, autant dans les mouvements que dans les coalitions électorales qui se pensaient essentiellement sur la base d’un agenda contre le néolibéralisme – ce qui constituait principalement l’ « anticapitalisme » des années 2000 – et une défense abstraite d’une orientation « révolutionnaire », plus en termes identitaires qu’en termes pratiques, explique ce vide stratégique.

    La gauche anticapitaliste n'offrait dès lors aucune alternative viable à la « tentation » du « tout sauf » des coalitions, incarnées par la participation désastreuse de Rifondazione Comunista au second gouvernement Prodi (un gouvernement du type « tout sauf Berlusconi ») et les limites des « Fronts uniques d'un genre particulier ».

    De plus, elle n'a pas été à même de réfléchir en termes de potentiel bloc historique, ni de s'interroger sur la façon dont nous pouvons articuler une alliance large des classes subalternes à un récit alternatif à l'adresse de la société. Mais comment pourrions-nous offrir un récit alternatif quand la principale revendication programmatique a consisté en « la redistribution des richesses + la défense des services publics » ? Je ne sous-estime pas ces objectifs, mais ils ne constituent pas un récit alternatif. Ils ne présentent pas un paradigme social et politique antagonique au néolibéralisme.

    Par ailleurs, en particulier en Europe, et malgré le fait que le moment fort de la mobilisation de la gauche radicale en Europe de l'Ouest fut le rejet de la constitution européenne, la gauche anticapitaliste a sous-estimé la critique de l'intégration européenne. L'abandon de toute critique de la monnaie unique et les accusations portées contre ceux qui s'essayaient à pareille critique sous prétexte que cela faisaient d'eux des « nationalistes » ou des « sociaux-chauvins »  eurent pour implication que, dans une période de désenchantement grandissant et de crise du projet européen, ce fut l'extrême droite seule avec son « Euroscepticisme » pour ersatz (ersatz à cause de ses positions favorables à l'ordre établi et aux patrons) qui a connu une dynamique politique, comme le montrent les dernières élections européennes.

    L'espace politique n'est resté ouvert qu'à des positions du type de celles proposées par Syriza, qui donnent l'impression qu'elles se confrontent à la question stratégique même si elles ne vont pas plus loin que la simple variation sur le même thème des positions de « gouvernement progressiste » antilibéral issues des années 1990. Dans une période où dans les maillons faibles de la chaîne la possibilité de combiner un gouvernement de gauche radicale avec des formes de pouvoir populaire par en bas pourrait réellement initier une séquence révolutionnaire tout à fait originale, la position de larges franges de la gauche anticapitaliste en Europe était, dans la pratique, que rien ne pouvait être fait et qu'on assisterait à une répétition des années 1970.

    D'autre part, bien que l'on ait connu d'importants mouvements de masse dans les années passées – en termes d'ampleur et de durée mais aussi en termes d'expérimentation politique, avec de nouvelles formes de démocratie, l'expression à voix égale, la coordination horizontale, l'émergence de nouveaux et nouvelles dirigeant•e•s – la plupart des tendances de la gauche, à l'exception de la gauche anticapitaliste espagnole, n'ont en réalité rien appris de ces mouvements auxquels ils ont néanmoins apporté leur contribution non négligeable. Elles n'ont rien appris des nouvelles formes de démocratie, elles n'ont pas intégré les nouveaux et nouvelles dirigeant•e•s qui ont émergé de ces mouvements, elles n'ont pas essayé de répondre aux défis stratégiques que cela posait. Elles les ont simplement envisagés comme des mouvements, et non pas comme des processus expérimentaux. Cela présente un contraste saisissant avec les traditions marxiste et léniniste qui consistent à voir la participation aux mouvements comme une expérience permettant d'apprendre et de se transformer.

    Par conséquent, les appels actuels au rétablissement du processus de « construction de l'organisation » sont inappropriés. Ce n'est pas que nous n'avons pas besoin d'organisations révolutionnaires, mais ce n'est qu'un aspect, et sans doute pas le plus important, de la nécessaire recomposition de la gauche anticapitaliste aujourd’hui. De plus, la mentalité qui conduit chaque groupe à penser qu'il est le détenteur de la vérité révolutionnaire et qu'il doit se renforcer dans des fronts larges, tandis que les autres tendances de ces fronts seraient « réformistes » ou « quasi-réformistes », n'aide pas beaucoup à initier des processus larges de recomposition. Il en va de même avec la mentalité qui veut que ce qui est en jeu soit la légitimation historique d'un courant historique particulier. Nous devons penser en termes de nouveauté radicale.

    Quel est le résultat de ces manquements ? Le résultat c'est qu'aujourd'hui la plupart des gens dans la gauche anticapitaliste européenne se tournent vers Syriza comme exemple d'espoir, malgré le fait que la direction de Syriza ait abandonné la plupart de ses positions radicales, qu'elle ait pleinement accepté le cadre institutionnel de l'Eurozone et de la dette, et qu'elle ait refusé d'intégrer la nationalisation des banques et des entreprises stratégiques dans la liste de ses revendications immédiates. Ou, pour donner un autre exemple, tout le monde s'entend pour voir un certain espoir dans le projet Podemos même si sa ligne politique a perdu une partie de sa radicalité et que les questions ouvertes à propos du modèle de direction adopté sont nombreuses. Dans l'audience que rencontrent Syriza et Podemos auprès des militant•e•s, l'essentiel ne tient pas à leur politique et à leur stratégie véritables, mais à deux éléments cruciaux : la mise en place d'un processus politique à une échelle large, qui inclut des fractions importantes des mouvements, et bien sûr la confrontation avec la question du pouvoir politique et de la potentielle hégémonie

    Cependant, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui la règle d'or soit l'entrée ou l'incorporation de la gauche anticapitaliste dans de  larges fronts de ce type. La raison est que la nécessaire autonomie d'une stratégie potentiellement révolutionnaire reste nécessaire. Voilà un des aspects de la démarche qui veut « ressusciter Lénine » aujourd'hui qui me paraît  toujours pertinent.

    Cela correspond-il à du sectarisme ? La réponse à cette question est un non définitif. Le défi pour la gauche révolutionnaire ou anticapitaliste ne réside pas dans le fait de choisir entre de larges fronts électoraux et  des sectes traditionnelles. Le défi consiste à développer un projet alternatif pour la gauche qui, d'une manière ou d'une autre, se concentre sur ce qui peut définir dans la période une potentielle stratégie révolutionnaire.

    En premier lieu, nous avons besoin de réfléchir dans les termes d'un nouveau bloc historique. À partir de la lecture que j'en fais, ce concept gramscien n'est ni analytique ni descriptif par nature. Il ne fait pas seulement référence à l'idée d'alliance de classes. Il s'agit d'un concept stratégique qui traite de la manière dont nous pouvons préparer la rencontre entre une alliance large au sein des classes subalternes, un récit alternatif pour la société dans son ensemble et de nouvelles formes politiques de masse.

    En ce sens, il serait malvenu de sous-estimer l'importance de cette lancinante demande de souveraineté populaire à laquelle on a assisté au cours des récents mouvements – qui ont pris par exemple la forme d'une réappropriation de l'espace public –, au nom d'une vision archétypique du « mouvement ouvrier » ou de la « grève générale ». Au contraire, il serait plus fécond d'envisager ces formes de luttes en commun, de solidarité et leur élan démocratique comme un embryon des blocs historiques subalternes.

    Une telle conception implique d'accorder une large importance à la question du programme politique. Cela n'a rien à voir avec la théologie du programme ou avec une sorte de fantasme politique révolutionnaire. Le programme de transition constitue l'articulation des expériences, des revendications, des expérimentations et des formes d'ingéniosité collective qui ont émergé du mouvement, en lien avec la recherche collective des différentes voies que nos sociétés peuvent emprunter. C'est l'articulation entre les « traces de communisme » dans les luttes contemporaines et les pratiques collectives séparées du règne de la marchandise, et la conquête du pouvoir par le mouvement ouvrier pour donner à nos sociétés d'autres trajectoires historiques, à la fois en termes d'organisation sociale et de positionnement international.

    En cela, une version contemporaine du programme de transition ne peut pas être réduite à de simples appels pour la redistribution et la défense des services publics. Elle doit consister en une bien plus profonde exploration des diverses voies que peuvent emprunter nos sociétés, en considérant un paradigme social et économique différent,  fondé sur de nouvelles formes de contrôle démocratique, d'autogestion, de nouveaux réseaux de distribution et des  priorités sociales différentes. Cela ne sera pas la voie de la facilité. Cela nécessitera une société en lutte changeant – de fait – de valeurs, de priorités et de récits. Cela demandera une nouvelle éthique de la participation collective et des  responsabilités, une nouvelle éthique de la lutte et de l'engagement, un « sens commun » suffisamment formé et transformé pour constituer dès lors le « bon sens ».

    En Europe, cela implique nécessairement une rupture avec le néolibéralisme féroce  fermement ancré dans l'Eurozone et, en général, avec la « souveraineté limitée » imposée par les divers traités qui définissent la version contemporaine de la gouvernance européenne. Nous avons là l'opportunité de combiner une revendication de justice sociale avec une revendication de souveraineté populaire.

    Cependant, une telle conception implique également de prendre en charge la question de la stratégie révolutionnaire aujourd'hui. Dans la conjoncture actuelle, avec la crise de l'hégémonie néolibérale et le retour des mobilisations de masse, une conception plus stratégique s'avère être un élément vital.

    Que signifie, en fait, l'idée que nous traversons aujourd'hui une séquence révolutionnaire ? La plupart du temps, cette question est refoulée. D'une part, nous avons la dynamique du mouvement et, d'autre part, à un moment indéfini mais éloigné dans le temps, nous aurons le contrôle ouvrier et la révolution. Des questions aussi stratégiques que l'éventualité d'un gouvernement de gauche radicale, et la possibilité qu'une telle avancée fasse partie d'une séquence révolutionnaire, sont abandonnées aux réformistes tandis que la gauche révolutionnaire ou anticapitaliste attend l'avènement de leur échec prétendument inévitable.

    J'aimerais avancer l'idée que dans les sociétés européennes contemporaines, nous devons envisager la question du pouvoir gouvernemental non pas dans les termes d'une gestion progressiste du capitalisme mais comme un aspect d'un possible processus de transformation. Une telle perspective peut inclure l'articulation d'un gouvernement de gauche radicale,  fondé sur un nécessaire programme de transition, avec des mouvements forts par en bas, des mouvements de pouvoir populaire, le contrôle ouvrier, l'autogestion, la solidarité, des changements institutionnels profonds et de nouvelles formes de participation démocratique, un processus constituant. C'est là une voie qui sera nécessairement accidentée, contradictoire et expérimentale par nature. C'est là aussi un processus qui devra faire face à la farouche opposition des forces du capitalisme et de l'impérialisme.

    Bien sûr, cela implique aussi qu'il faut véritablement ouvrir le débat sur ce que veut dire « détruire l'État » ou faire « dépérir l'État », et sur comment mettre en place de nouvelles formes de planification démocratique et d'autogestion en opposition avec  la pression du marché, sur comment incorporer les expériences issues des mobilisations.

    On pourrait rétorquer : « Pourquoi s'embêter avec  l'élaboration complète d'une stratégie révolutionnaire au lieu de simplement articuler notre critique du réformisme ? » Je pense que si on laisse le débat sur la gouvernance de gauche aux tendances réformistes, il est évident qu'elles verront les choses avec leurs propres lunettes, les lunettes des débats de triste mémoire sur la gouvernance progressiste qui ont plutôt mal tourné dans les années 1990 et au début des années 2000 et qui ont conduit aux effets désastreux de la participation aux gouvernements Jospin et Prodi. L'échec serait alors une « prophétie auto-réalisatrice ». Et il n'est pas certain que cela serait suivi de l'émergence nouvelle de forces révolutionnaires en première ligne. Un tel échec peut aussi conduire tout simplement  à des réalignements encore plus réactionnaires  sur la scène politique.

    Ce qui implique qu'il est indispensable que la gauche anticapitaliste et révolutionnaire pense en termes de projet alternatif et non pas seulement en termes de topographie alternative de la gauche.

    Cela conduit à poser la question des exigences organisationnelles. De quel type d'organisations avons-nous besoin pour être en mesure de nous lancer dans un processus révolutionnaire de la sorte ? Le modèle traditionnel, qui envisageait, d'une façon schématique et mécanique, la confrontation à la question du pouvoir en termes de logique militaire, et qui mettait l'accent avant toute chose sur la discipline, est bien sûr intrinsèquement inapproprié et, qui plus est, nous fait courir le risque d'imiter l'État bourgeois. Il est nécessaire de considérer que dans la lutte pour une société différente, fondée sur des principes et des pratiques antagonistes à la logique capitaliste/bourgeoise, nous avons besoin d'organisations qui reflètent les nouvelles formes sociales émergentes. Contrairement à la vision traditionnelle – selon laquelle les exigences de la lutte et la nécessité d'un engagement discipliné dans le processus révolutionnaire justifient des restrictions de la démocratie interne, la suppression de la liberté de parole, et une hiérarchie rigide –, nous voulons des organisations politiques qui soient en même temps des laboratoires pour l'élaboration collective de nouveaux projets et de nouvelles formes d'intellectualité politique et critique à une échelle de masse, et des sites d'expérimentation pour de nouvelles relations sociales et politiques. En ce sens, elles doivent être plus démocratiques, plus égalitaires, plus ouvertes, moins hiérarchiques et moins sexistes que la société qui les entoure.

    Cependant, cela ne doit pas être envisagé comme une exigence abstraite, mais comme une tâche urgente qui implique également un processus complet de reconstruction et de réinvention des organisations politiques. Les organisations politiques radicales contemporaines ne reflètent pas seulement les dynamiques de la conjoncture et des luttes actuelles. Elles sont aussi le résultat de toute une période de crise et de repli du mouvement communiste et socialiste révolutionnaire. En même temps, nous devons reconnaître l'originalité, les forces mais aussi les limites des principales formes organisationnelles qui émergent du mouvement social. La « coordination horizontale » des mouvements – qui est indispensable pour créer des alliances et des espaces de lutte ouverts – n'aide pas toujours à l'élaboration nécessaire de programmes politiques, et d'ordinaire, elle ne permet pas de débattre des questions du pouvoir politique et de l'hégémonie. Le « front électoral » de gauche qui, en général, se fonde sur un programme minimum de mesures immédiates antilibérales, peut aisément prendre la forme d'un agenda réformiste au service d'une gouvernance sociale-démocrate progressiste. Quant au modèle classique du groupe ou de la secte révolutionnaire (ainsi que de ses courants internationaux respectifs), il tend à reproduire la fragmentation, le sectarisme, et la version autoritaire et locale d'un « Lénine imaginaire ».

    Aux antipodes de cela, « ressusciter Lénine » aujourd'hui revient à penser en termes d'originalité maximale, à essayer non pas de se contenter de reproduire des modèles mais de créer des laboratoires de nouveaux projets politiques. On ne pourra y parvenir ni par de simples coalitions électorales ni par l'antagonisme pour « l'hégémonie » entre différents groupes au sein de la gauche radicale. Nous avons besoin de fronts politiques démocratiques, notre propre version de la stratégie du Front unique fondée sur des programmes anticapitalistes, des fronts qui puissent aussi servir de processus à même de rassembler différents courants, différentes expériences dans le mouvement social, différentes sensibilités politiques, qui puissent vraiment servir de laboratoires à de nouveaux projets politiques antagonistes. Nous avons besoin de fronts qui puissent rassembler des orientations et des sensibilités différentes, des expériences et des histoires différentes. Nous avons besoin de « processus constituants » politiques fondés sur la nécessité de surmonter la fragmentation et la crise de la gauche anticapitaliste et d'avoir, pour de bon, des processus de recomposition. Nous devons reconnaître pleinement que les organisations et les courants actuels de la gauche anticapitaliste sont transitoires, qu'ils sont des aspects d'un processus de transformation et d'élaboration collective de nouveaux projets politiques qui sont encore à naître, qu'il est essentiel de les remplacer à la fois en termes d'organisation mais aussi en termes de stratégie. Voilà ce que pourrait être une autocritique nécessaire, et même plus nécessaire que jamais.

    C'est pourquoi il est indispensable d'ouvrir ce débat à tous les niveaux, à la fois à l'échelle nationale et internationale, d'apprendre de nos avancées et de nos erreurs, de débattre avec le plus d'ouverture d'esprit possible des différentes expériences, d'éviter les modes de pensée sectaires et bureaucratiques et de créer non pas seulement des lieux pour le dialogue et l'échange des idées, mais de véritables laboratoires de l'espoir.

    Car comment pouvons-nous changer le monde si nous ne pouvons pas nous changer nous-mêmes ?

    Panagiotis Sotiris est un théoricien marxiste et un membre éminent du comité coordinateur d’Antarsya, le front de la gauche anticapitaliste grecque. Ses travaux portent notamment sur la philosophie contemporaine et marxiste, sur Gramsci, sur Althusser, sur les théoriques critiques radicales et l’impérialisme.

    Intervention présentée en plénière lors de la 11e édition du colloque Historical Materialism, le 6 novembre 2014, traduite depuis l'anglais par Grégory Bekhtari et Stella Magliani-Belkacem avec l'aimable autorisation de l'auteur.

     


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  • Responsabilité sociale de l’entreprise La CGT accède à la présidence de la plateforme nationale de la RSEPierre-Yves CHANU, représentant de la CGT au sein de la plateforme d’actions globales pour la responsabilité sociétale des entreprises, dont la candidature était portée par le pôle syndical, a été élu président de cette instance, ce mardi 25 novembre.

    Créée en 2013, cette plateforme regroupe des représentants des organisations syndicales, des organisations d’employeurs et des directions d’entreprises, des ONG et des élus politiques.

    C’est un espace de dialogue, de concertation et de construction de propositions entre acteurs de la RSE.

    Cette élection est la reconnaissance de l’implication de la CGT dans la question de la responsabilité sociale de l’entreprise.

    Ainsi que la CGT l’affirme depuis de nombreuses années, les entreprises ont des comptes à rendre sur les conséquences de leur activité sur la société, que ce soit en France ou dans les autres pays, en particulier ceux du sud.

    C’est pourquoi la CGT considère la lutte pour que les entreprises aient des comportements respectueux des salariés, des citoyens, comme de l’environnement comme un combat revendicatif à part entière.

    En 2015, plusieurs échéances importantes concernant la RSE figureront sur l’agenda :

    - Le plan national d’action RSE, que la France devra élaborer en direction de l’Union européenne ;
    - La transposition en droit interne de la toute nouvelle directive de l’Union européenne sur le reporting social et environnemental des entreprises. Cette transposition doit être l’occasion pour la CGT d’améliorer la législation actuelle, notamment en supprimant la distinction entre sociétés cotées et non cotées pour les entreprises de plus de 500 salariés et en améliorant les informations de nature sociale ;
    - La mise en place d’une législation française portant sur la reconnaissance de la responsabilité entre sociétés mères et filiales et donneurs d’ordres/sous-traitants. Une proposition de loi en ce sens a été déposée par tous les groupes parlementaires de gauche. La CGT soutient cette proposition, et demande qu’elle soit débattue rapidement au Parlement.
    - La tenue à Paris en novembre 2015 de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21).

    La plateforme RSE peut jouer un rôle très important pour faire avancer cet ensemble de sujets, et manière générale faire progresser la responsabilité sociale de l’entreprise.


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  • Lutter contre les représailles patronales  Petit détour par les prud’hommes La question des représailles patronales contre les militants syndicaux commence petit à petit à être analysée et prise en compte aussi bien par les universitaires que par les équipes syndicales, comme l’atteste la création récente de l’observatoire de la discrimination et de la répression syndicales.

    Il s’agit d’une bataille de longue haleine, qui vise non seulement à réparer les dégâts occasionnés par ces représailles, mais redonner également des moyens aux syndicats. Car derrière la façade du « dialogue social », la violence quotidienne qui s’exerce à l’encontre des syndicalistes démontre l’ampleur des efforts déployés par le patronat et ses relais gouvernementaux.

    Dans cette perspective, la possibilité d’organiser la contre-offensive passe souvent par la case tribunal. On a déjà beaucoup glosé sur la « judiciarisation des relations professionnelles ». Certains y voient une évolution inévitable, d’autres critiquent la place trop importante de ces procédures, qui se substituent dans de nombreux cas aux actions collectives. Sans rentrer dans cette discussion légitime, il faut souligner l’importance que représente une décision de justice pour rendre perceptible aux militants et aux collègues la réalité des représailles, et donc convaincre de la possibilité de lutter contre cette réalité. Car la condamnation obtenue permet notamment de démasquer et de sanctionner les pratiques réelles déployées sous couvert du partenariat social.

    Pour l’illustrer, nous reprenons un article rédigé par la CGT Schindler, et publié dans le courrier fédéral de la CGT Métallurgie. Le syndicat y présente une première victoire obtenue devant le conseil des prud’hommes contre l’entreprise qui pratique depuis 2010 des sanctions illégales à l’encontre notamment des élus et candidats de la CGT. L’intérêt de cette lutte est de combiner défense des syndicalistes sanctionnés et demande de réparation du préjudice que représente l’affaiblissement du syndicat pour l’ensemble des salariés.

    La CGT fait condamner Schindler pour sanctions illégales

    La direction de Schindler France a été condamnée le 5 septembre 2014 pour avoir sanctionné huit élus ou candidats appartenant à la CGT de façon illégale. Elle va devoir rembourser les salaires et faire disparaître les sanctions de leur dossier. Elle devra verser 14 000 euros de dommages et intérêts à la CGT Schindler, qui a porté ces dossiers avec les salariés !

    On le sait, lorsqu’il s’agit de constituer des listes de candidats pour les élections professionnelles, ou parfois simplement de se syndiquer, nous avons souvent du mal à trouver des candidats. Nos collègues manquent rarement d’arguments, sans pour autant aborder la véritable raison : la crainte des représailles. C’est le cas chez Schindler et c’est la raison pour laquelle le syndicat à décider de porter l’affaire devant les tribunaux, pour démontrer clairement que les représailles sont illégales et que le patron n’a pas tous les pouvoirs.

    Sanctionner les syndicalistes pour instaurer un climat de peur chez les salariés

    Depuis 2010, deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de Cassation ont précisé le cadre légal en ce qui concerne les mises à pied disciplinaires. La durée maximale de la mise à pied disciplinaire doit être inscrite dans le règlement intérieur. Cela vise à empêcher les employeurs de mettre un salarié à pied pendant 6 mois par exemple, ce qui obligerait le salarié à démissionner (et permettrait d’éviter ainsi à la direction de le licencier). Depuis ces arrêts, l’employeur doit mettre à jour son règlement intérieur. Sinon, la mise à pied est illégale. Ce qui est le cas chez Schindler, car l’entreprise n’a pas mis son règlement intérieur à jour. Pourtant, elle n’a pas hésité à sanctionner des salariés, et en particulier des élus ou des candidats de la CGT, en leur infligeant des mises à pied qui ont pour conséquence de leur faire perdre du salaire et de les affaiblir en tentant de les décrédibiliser professionnellement.

    Ces sanctions, illégales, servent à la direction à faire peur aux collègues de travail. Le message adressé à tous est clair : restez dans le rang, ou alors nous allons nous occuper de vous ! Elles permettent également de préparer le terrain pour constituer un dossier solide afin d’obtenir à terme le licenciement du salarié. C’est pour toute ces raisons que le syndicat a décidé d’engager les procédures devant les tribunaux, en accompagnant les salariés dans la constitution des dossiers et en étant intervenant volontaire (ce qui signifie que le syndicat plaide en tant que tel aux côtés des salariés).

    Affaiblir le syndicat : un coût pour l’ensemble des salariés

    Lors de l’audience, il a été particulièrement clair que la direction savait que les sanctions étaient illégales. En définitive, l’avocat de la direction a fait porter la majorité de ses efforts pour tenter d’invalider les interventions volontaires[1] du syndicat. Compte-tenu des montants, ce ne sont pas les quelques centaines d’euros de salaires à rembourser qui lui faisait peur, bien au contraire. Mais le fait que le syndicat intervienne pleinement dans la procédure, pour elle, c’était hors de question.

    Le syndicat a décidé d’aborder la question sous l’angle des représailles, et des conséquences pour l’ensemble des salariés de ces méthodes. En prenant pour base les sondages réalisés par l’association Dialogues (une de ces nombreuses structures de « dialogue social » réunissant DRH et « syndicalistes »), dans lesquels il est montré qu’au moins un tiers des salariés ne se syndique pas par peur des représailles du patron, nous avons chiffré le manque à gagner pour le syndicat. En tant que structure collective, il s’agit d’un manque à gagner pour l’ensemble des salariés. Et le patronat a beau jeu de déplorer d’un côté la faiblesse de ses partenaires – c’est le refrain repris partout dans les médias sur la faiblesse du syndicalisme – tout en mettant tout en œuvre pour empêcher les salariés de s’organiser. Cet argument a fait mouche, puisque la formation des référés du CPH de Versailles a décidé d’allouer 14 000 euros de dommages et intérêts provisionnels à la CGT Schindler !

    Première victoire et bataille à poursuivre !

    Ces premiers jugements favorables aux salariés et à la CGT ne sont qu’une étape. Il est nécessaire de rappeler que la direction Schindler a fait partie des troupes de choc anti-CGT du patronat de la métallurgie. En effet, comme l’a révélé le quotidien les Echos en 2009, Schindler faisait partie en 2007 des 10 principaux contributeurs à l’Entraide Professionnelle des Industries de la Métallurgie[2] (EPIM, la fameuse caisse noire du patronat au-sujet de laquelle Denis Gautier-Sauvagnac a été condamné). Nous sommes par conséquent déterminés à faire reconnaître les droits des salariés comme ceux du syndicat. Il s’agit bien sûr de combattre les différentes formes de discriminations cachées derrière les sanctions illégales, mais aussi de renforcer le syndicat comme outil collectif.

     

    CGT Schindler

    L’article a été légèrement remanié pour une meilleure compréhension

     

    La première version a été publiée dans le Courrier Fédéral n° 417

     

    [1] En matière prud’homale, l’intervention volontaire signifie que le syndicat se joint à l’action d’unE ou de plusieurs salariéEs devant le conseil pour faire reconnaître les intérêts collectifs de la profession qu’il représente, en démontrant que le litige n’est pas simplement individuel, mais pose des questions intéressants l’ensemble des salariéEs qu’il représente.

     

    [2] Voir à ce sujet le communiqué de presse de la FTM du 16 juin 2009 « Caisse noire de l’UIMM suite ».


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