• 1910 Première loi sur les retraites ouvrières et paysannes

    1910 Première loi sur les retraites ouvrières et paysannesEn ce début de 20e siècle, les ouvriers (parmi lesquels beaucoup d’enfants) savent qu’ils ont peu de chance d’atteindre les 65 ans requis par la nouvelle loi sur les retraites car l’espérance de vie à l’époque est de 50 ans. Ce qui fera dire à Jules Guesde qu’il s’agit d’une loi pour les morts. Si celle-ci est combattue par la droite et le patronat, elle divise aussi le mouvement ouvrier sur des enjeux, notamment de financement, qui sont encore en débat actuellement.


     


    1910 Première loi sur les retraites ouvrières et paysannesDans la France de 1870 à 1914, pour les hommes de 40 ans, quand la mort frappait 90 patrons, elle atteignait 130 employés et 160 ouvriers sur 10 mille Français de chaque catégorie. A Paris, en 1911-1913, le taux de mortalité était de 11 pour 1000 dans les arrondissements bourgeois contre 16,5 pour 1000 dans les populaires. La mortalité tuberculeuse allait du simple au double. Entre 1844 et 1905, dans cette époque, le sort des vieillards est à la merci de leur famille, de la charité ou de l’aumône, et le patronat ou ses porte-paroles ne lâchent rien et rejettent tout financement des retraites, pour eux comme le disait Adolphe Tiers en 1850, il faut que les salariés épargnent pour leur retraite, placent leur argent dans des caisses qui leur rapporterait des intérêts, et déposer une somme annuelle à une caisse de retraite qui pourrait produire une rente viagère.


    Les bourgeois de l’époque et le patronat s’opposent fermement à toute intervention de l’Etat, et en 1890, les chambres patronales dénoncent toute intervention de l’Etat dans les affaires ouvrières, considérant que la richesse produite profite à tous, et que le contrat passé avec l’ouvrier est d’ordre privé et n’intéresse en rien l’Etat. Pour le patronat, il ne faut pas placer les industries nationales en position d’infériorité à l’égard de la concurrence étrangère, c’est l’ordre moral de la société qui est en jeu. (Cela ne vous rappelle rien ?)


    En 1910, la création des retraites par capitalisation est l’aboutissement de 30 ans de procédure parlementaire, elle est défendue par le Parti Radical et combattue par le patronat et la droite. Mais elle crée aussi bien des affrontements entre militants du mouvement ouvrier portant sur des principes qui sont encore de nos jours au premier rang de l’actualité sociale et politique. Les débats qui traversent la SFIO et la CGT portent sur les mesures sociales de la loi autant que sur la stratégie politique proprement dite. C’est ainsi que Georges Yvetot, secrétaire confédéral de la CGT s’écrie : « Au point de vu syndicaliste, un parlement ne peut rien donner de bon. La CGT est contre tout versement ouvrier, on devrait se désintéresser du projet parlementaire ».


    1910 Première loi sur les retraites ouvrières et paysannesJean Jaurès estime au contraire que « chaque nouvelle loi conquise, rend sa force disponible pour des conquêtes nouvelles », tandis que Jules Guesde s’en prend au contenu de la loi sur l’âge requis pour toucher une pension « 65 ans c’est à peu près, en effet, la retraite pour les morts, au moins dans certaines industries, dont aucun ouvrier n’arrive à pareille vieillesse ». Mais il s’en prend aussi au vol que constituerait une cotisation ouvrière, ce qui aggraverait la misère, alors que les assurances et les privilégiés du capitalisme industriel et terrien ne financeraient rien. La question du financement est donc déjà au coeur des querelles en 1910, les divergences et les affrontements dureront longtemps.
     

    La CGT appelle à boycotter la loi et les ouvriers à ne pas verser leur cotisation. L’âge de la retraite est abaissé à 60 ans en 1913 et le caractère obligatoire abrogé. Compromise par le déclenchement de la guerre et les difficultés d’application, la loi concernera 7,5 millions de travailleurs contre les 18 millions prévus, quand éclate la première guerre mondiale. Les lois de 1928 et 1930, sont de nouvelles étapes combattues par la CGTU et le PC. Le système de capitalisation est ruiné par la crise financière de la France occupée. L’Etat de Vichy décide pour se financer de confisquer le capital des caisses de retraite et le remplace par le versement de pensions alimentées par des prélèvements obligatoires sur les salaires. Il faudra attendre 1945 et la Sécurité Sociale pour que soit mis en place, outre les branches assurance maladie et allocations familiales, une véritable caisse nationale d’assurance vieillesse.


    Cette réalisation majeure est issue du programme du Conseil National de la Résistance. L’ordonnance du 4 Octobre 1945 qui institue la Sécurité Sociale est dans le droit fi l de ce programme. La mise en pratique en revient à Ambroise Croizat. La loi du 22 Mai 1946 l’étend à tous les Français de 65 ans. Elle conserve le système de répartition et la gestion est confi ée aux assurés parmi lesquels la CGT est majoritaire, au grand dam des patrons qui n’auront de cesse de la faire modifi er à leur profit. Jusqu’en 2005, l’âge moyen de départ en retraite est de 58,5 ans pour les hommes et de 59,2 ans pour les femmes. Depuis les réformes Fillon de 2003 et 2010, la retraite pleine exige 62 et 67 ans, selon la durée d’activité.


    Rappelons la déclaration de Denis Kesler (ex-N°2 du MEDEF) dans la revue Challenge en octobre 2007 : « Le modèle social Français est le pur produit du Conseil National de la Résistance et se traduit par la création de la Sécurité Sociale…La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ! »


    Aujourd’hui, toutes les réformes visent à individualiser les charges et les bénéfi ces de notre système de retraite. C’est bel et bien une façon de faire société, de faire République qui est en jeu.


    Bernard LAMIRAND Membre du Conseil National

    « Ces derniers mois les peuples sont restés mobilisés en EuropeOù sont les femmes dirigeantes? »

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